Sur RFI, le 30 mai 2022
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220530-quel-est-l-objectif-de-la-lev%C3%A9e-de-l-%C3%A9tat-d-urgence-au-soudan
Dans ce contexte, le dialogue politique demandé par la junte est-il réellement envisageable ? Rien n’est moins sûr pour le chercheur Marc Lavergne. Selon lui, cette annonce est plutôt destinée à la communauté internationale. « L’image du Soudan est gravement dégradée. Cette transition démocratique a échoué. Du coup, la crédibilité du Soudan sur la scène internationale ne lui permet pas d’obtenir les fonds dont il aurait besoin pou résoudre la crise économique et sociale. Donc il s’agit de faire un jeu de balance en montrant aux Occidentaux que le Soudan essaie de faire ce qu’il peut pour rentrer dans une sorte de légalité. »
Soudan : retour à la case départ ?
https://esprit.presse.fr/actualites/marc-lavergne/soudan-retour-a-la-case-depart-43817
Au Soudan, l’ouverture du pouvoir à la société civile et la démission du président Omar Al-Bachir n’étaient que des mesures de façade, destinées à cacher à la communauté internationale la violence d’un régime militaire qui bafoue les aspirations démocratiques du pays.
La démission d’Omar Al-Bachir, le 11 avril 2019, avait été provoquée par une crise économique et sociale aiguë. Mais celle-ci avait fourni aux officiers supérieurs de l’armée l’occasion de débarquer un président qui, sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, ternissait l’image du Soudan. Trente ans après son accession au pouvoir le 30 juin 1989, son intention de se représenter à l’élection présidentielle, certes de pure forme, d’avril 2020, leur semblait de ce fait peu souhaitable1. De plus, l’Égypte du maréchal Al-Sissi, tout comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, déjà contrariés par le soutien accordé par le régime aux Frères musulmans, s’offusquait de voir la Turquie, épaulée financièrement par le Qatar, s’apprêter à ouvrir un point d’appui stratégique dans la rade de Souakin sur la mer Rouge.
Un coup d’État derrière une révolution en trompe-l’oeil
Les manifestations de rue, à Khartoum et dans les villes du Soudan central, furent donc encadrées par des forces de sécurité dont la répression demeura mesurée. La jeunesse s’installa même en un joyeux et libérateur sit-in devant le quartier-général des Forces armées, auquel mit fin la journée terrible du 3 juin 2019, où les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) de Hemedti se livrèrent à un brutal massacre. Une intervention internationale ferme remit le processus de transfert du pouvoir sur les rails, et les Forces de la liberté et du changement, encadrées par les syndicats professionnels, reprirent dans la rue leur rôle d’« idiots utiles ». La Déclaration constitutionnelle d’août 2019, la nomination d’un Premier ministre civil en septembre, et celle en octobre d’un gouvernement en majorité composé de civils, avec un calendrier de transition de trente-sept mois vers la démocratie, pouvaient dès lors être considérées comme des concessions temporaires à la rue et aux Occidentaux.
Ces concessions se traduisirent par une mascarade constitutionnelle, avec la création d’un Conseil de souveraineté dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhan, ancien bras droit d’Omer Al-Bachir, lui-même benoîtement confiné chez lui pour « raison de santé »2. Il ne s’agissait dès lors que d’attendre que l’enthousiasme de la rue s’épuisât, dans un scénario écrit à l’avance à destination des soutiens régionaux de l’armée, comme des bailleurs de fonds internationaux.
Après trente ans de dictature militaro-islamiste, il en eût fallu plus pour convaincre que les détenteurs du pouvoir s’étaient résignés à passer la main. L’alliance avec les civils imposée depuis Washington n’était qu’opportuniste, ceux-ci étant chargés de restaurer l’image du Soudan à l’étranger et de remettre l’économie à flots, sous la protection intéressée des militaires. Accessoirement, les civils devaient servir de paratonnerre face à une population épuisée et affamée, impatiente de voir les réformes se traduire par une amélioration de sa vie quotidienne.
Une révolution peut en cacher une autre
Si les militaires partageaient le pouvoir, ce n’était pas avec les civils, mais avec un troisième acteur qui se tenait en retrait : les RSF, héritières des Janjawid, dont les aînés avaient ravagé les villages du Darfour vingt ans auparavant, attendaient leur heure. Sous la houlette de leur chef Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti, ces bandes recrutées au Darfour ont fait irruption dans la capitale, à mille kilomètres de leurs bases : une entrée fracassante dans le nouveau jeu de pouvoir à Khartoum, rompant le face-à-face entre le peuple et l’armée, récurrent depuis l’indépendance… Ces supplétifs locaux, recrutés initialement pour opérer un nettoyage « ethnique » des campagnes du Darfour au profit de tribus « arabes » moins bien loties en terres et en eau, ont désormais pour objectif de mettre la main sur l’ensemble du pays, en s’appuyant au besoin sur des puissances étrangères.
Une irruption qui, en arrière-plan, tend à renverser le traditionnel déséquilibre entre le centre et les périphéries du pays : l’affrontement séculaire entre « civilisation » et « barbarie », « islam » et « paganisme », « arabité » et « africanité », confirmant l’analyse de l’affrontement cyclique entre badawa (bédouinité) et hadara (sédentarité) par Ibn Khaldûn au xive siècle.
Des civils désarmés, mais surtout désunis
L’équilibre instable de ce jeu à trois des premières années de la « transition démocratique » a rapidement évolué au détriment des civils. Ceux-ci ont en effet accompli la mission qui leur était implicitement impartie : masquer la réalité des enjeux de pouvoir aux yeux de la « communauté internationale », c’est-à-dire de l’Occident, et obtenir la levée des sanctions internationales héritées de l’ère Al-Bachir. Elle fut obtenue à grands frais, puisque la reconnaissance forcée de l’État d’Israël a été un « baiser de la mort » aux yeux de l’opinion publique, non pas tant à cause d’une hostilité de principe qu’en raison de cette atteinte à la dignité du peuple soudanais, contraint à s’y soumettre par un chantage financier.
L’ouverture des vannes financières internationales et l’appel aux investisseurs étrangers ont indiqué aux militaires que les civils avaient rempli leur feuille de route, grâce aux efforts du Premier ministre, Abdallah Hamdok. L’histoire jugera de la responsabilité de ce personnage intègre et compétent, dans l’échec de la « transition démocratique » qu’il a incarnée. Il n’aura en tout cas pas pu empêcher, à son corps défendant, la société politique soudanaise de réveiller ses vieux démons.
Une maturité politique qui se retourne contre ses acteurs
Le soulèvement de décembre 2018 avait surpris les observateurs par la maturité de ses revendications et par sa capacité organisationnelle dans un pays dévasté. Ces qualités avaient permis à l’insurrection populaire de tenir bon face à la répression, en exprimant une réalité méconnue : l’ancienneté et la solidité de l’aspiration démocratique au Soudan.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la société soudanaise s’est dotée du plus large et plus vivace éventail politique d’Afrique et du monde arabe : confréries religieuses et partis d’idéologie progressiste ou conservatrice, religieuse ou laïque, ont trouvé, dans cet ensemble humain composite et ouvert, un terrain d’affirmation, de débat et de confrontation. Ce n’est pas un moindre sujet d’étonnement que de découvrir qu’une fois levée la chape de la dictature, sont réapparues, y compris dans la jeunesse, des affiliations et des espérances que l’on dit ailleurs surannées ou obsolètes. Ces forces étaient déjà resurgies lors d’intifadas populaires, comme en octobre 1964 contre le maréchal Abboud, ou en avril 1985 contre le maréchal Jaafar Nimeiri.
Mais leurs divisions, leur manque de capacité décisionnaire et la transcendance des liens sociaux sur les affiliations idéologiques ont constamment conduit à l’échec rapide des expériences démocratiques. Les coups d’État militaires, dans les deux cas précités, n’ont ainsi été qu’une réponse à une demande des dirigeants civils en situation de blocage né de leur désunion.
Le coup d’État fondateur du régime d’Omar Al-Bachir avait été d’essence quelque peu différente : une force politique particulière, hors du système, le Front national islamique de Hassan Al-Tourabi, en avait été l’instigatrice. Ce mouvement radical et moderniste n’avait pas tant pour but de ramener le peuple à la « vraie foi » que de le contraindre à se « moderniser » : comme me le confiait Hassan Al-Tourabi lors de nos échanges, avant comme après le coup d’État, son but était de mobiliser un peuple qu’il jugeait « arriéré » et « paresseux ». Il voulait lui insuffler le goût de l’effort et l’appât du gain, un objectif auquel il conférait une valeur spirituelle. Un modèle d’économie ultralibéral, où l’islam était réduit à un rôle de légitimation et de coercition sociale : ce régime de « salut public », instauré en juin 1989, n’avait d’ailleurs pas tardé à sombrer dans la corruption et l’accaparement glouton des ressources par une poignée d’arrivistes, vite rejoints par la hiérarchie militaire.
Une culture de la résilience
La société politique soudanaise a néanmoins étonnamment survécu à ces trente années de répression impitoyable, de torture, d’embrigadement, de prison et d’exil. Et le soulèvement général déclenché en décembre 2018 perdure aujourd’hui, en dépit des massacres de manifestants. L’association des syndicats professionnels des cadres de la société, fonctionnaires, ingénieurs, médecins, enseignants, juges et avocats, a toujours réussi à sauvegarder son autonomie, par-delà les clivages opposant islamistes et laïcs : des îlots de liberté, hérités du modèle anglo-saxon. Pour la jeunesse, qui a grandi sous la contrainte, ce sont les Forces de la liberté et du changement qui ont encadré et animé ce « printemps de Khartoum », qui a vu se libérer la parole et l’expression créatrice.
Mais si les Soudanais sont des adeptes du débat, ils sont souvent moins enclins à la discipline et à la prise de décision, à l’exception de ces deux mouvements révolutionnaires, opposés mais symétriques : les islamistes et les communistes. À l’exception également des peuples des périphéries, loin de la vallée du Nil et des corridors marchands entre l’Afrique noire et la Méditerranée, aux confins de l’Abyssinie, dont les collines boisées bordent le Nil Bleu, ou sur les collines escarpées des monts Nouba, qui surgissent de l’immense plaine du Kordofan. Ces deux réservoirs séculaires d’esclaves demeurent rétifs à l’arabisation comme à l’islamisation, et suspicieux à l’égard des mouvements qui secouent la société urbaine du Centre.
Quant au lointain Darfour, antique sultanat marchand qui ne fut définitivement placé sous la tutelle de Khartoum qu’en 1916, il reproduit à son échelle la situation du pays, avec un rapport historique centre-périphérie inversé : une quinzaine de peuples « africains » non métissés, ayant conservé leur langue et leurs coutumes, occupaient historiquement le centre politique et géographique de la région, sur les flancs et aux abords du massif montagneux qui en forme l’épine dorsale, tandis que les tribus nomades arabisées et islamisées qui les entouraient se trouvaient en situation vassale.
L’ultimatum des périphéries
L’équilibre instable et la fluidité qui régissent la relation entre ces éléments qui constituent la nation soudanaise dans sa diversité, ont resurgi en force à l’occasion de la présente révolution.
L’heure du règlement des comptes entre groupes dominants comme dominés semblait avoir sonné, avec une bonne volonté affichée de part et d’autre, d’autant que l’exemple désastreux de la sécession du Soudan du Sud en 2011 semblait avoir servi de leçon. Malheureusement, autour d’un Premier ministre accaparé par la réintégration du Soudan sur la scène internationale, la question fondamentale du rapport entre le centre et la périphérie n’a pas été traitée. L’amertume des mouvements rebelles face à l’indifférence du gouvernement central devant leurs revendications, ou devant l’absence de mesures en faveur des peuples persécutés et devant l’insécurité grandissante due aux groupes armés, a sapé le capital de confiance dans la « transition ».
Si la « Déclaration constitutionnelle » d’août 2019 avait pour but d’amadouer la communauté internationale, avec ses proclamations en faveur de la femme et de la liberté religieuse, l’accord de paix de Juba, signé avec la plupart des mouvements rebelles en octobre 2020, est venu trop tard et a déçu les attentes.
Les monts Nouba offrent un parfait contre-exemple au fonctionnement du gouvernement central : les Nouba, un terme générique pour une cinquantaine de petits peuples distincts, refoulés par les nomades alentour, ou repliés là en quête de terres fertiles et bien arrosées, font preuve d’une unité et d’une solidarité impressionnantes. Mobilisés durant vingt ans aux côtés des Sudistes dans la lutte de ceux-ci pour l’indépendance, ils exigent obstinément, comme préalable à tout règlement, la séparation de la religion et de l’État au niveau national. Musulmans, animistes et/ou chrétiens, ils affichent leur détermination à s’opposer, les armes à la main, à toute nouvelle tentative de les réduire, traitant désormais de « mulâtres » les Soudanais « métissés » de culture arabo-musulmane.
Au Darfour, le gouvernement de la transition a été incapable de résoudre la situation héritée de l’effroyable répression de 2003-2006 : le Sudan Liberation Movement (SLM), qui lança la rébellion armée, compte encore quelques combattants dans le massif du djebel Marra, et il a également refusé l’accord de paix de Juba. Quant aux deux autres mouvements armés, le SLM-Minnawi, du nom de son chef, une scission du SLM initial d’Abdel Wahid Mohamed Nour, comme le Justice and Equality Movement (JEM) de Jibril Ibrahim, ils ont tous deux signé l’accord, en échange de sièges au Conseil de souveraineté, organe suprême de la transition, et de postes ministériels de premier plan3.
Mais la situation sur le terrain ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Les conflits pour la terre, liés au retour des déplacés entassés depuis vingt ans dans des camps et au sort des occupants installés à leur place, ont à plusieurs reprises dégénéré en massacres et en règlements de comptes interethniques.
Cavaliers seuls au Darfour
De plus, le Darfour est le berceau des RSF, chargés officiellement de contrôler les frontières, ce qui leur a donné accès aux ressources des migrants, des trafics en tous genres et désormais le contrôle des mines d’or de ce nouvel Eldorado. Ils sont désormais « légalisés », voire source de légalité : leur chef, Hemedti, est devenu le deuxième personnage le plus important de l’État, dont il bafoue impunément les règles en exportant son or directement à Dubaï, par avion, sans contrôle ni taxation4. Mieux, c’est lui qui a été l’artisan de la reconnaissance d’Israël. L’homme-lige des bailleurs de fonds du Golfe, qui ont fait sa fortune en lui « achetant » des mercenaires pour servir de chair à canon au Yémen, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Ce condottiere d’origine modeste est devenu le prestataire de la Russie, organisant le passage du groupe Wagner par le Darfour, entre Libye et République centre-africaine. À cheval entre le Tchad et le Soudan, on se demande encore où s’arrêtent ses ambitions. Les RSF, devenues son armée privée, sont mieux entraînées, mieux armées et mieux payées que l’armée régulière, et surtout, comme leur chef, ils n’ont pas de sentiments d’ordre patriotique ni de contraintes juridiques. Après le Yémen, ils combattent aujourd’hui dans les rangs du maréchal Haftar en Libye, tandis que d’autres, issus des groupes islamistes, comme le JEM, combattent dans le camp du gouvernement « légal » de Tripoli. Ces recrues – ironie de l’histoire – sont souvent recrutées dans les camps de déplacés du Darfour – des enfants des camps, dont les parents ont été pourchassés ou massacrés par ce même Hemedti, considéré aujourd’hui comme leur bienfaiteur5 !
Le JEM est ainsi l’héritier de la pensée de Hassan Al-Tourabi, pour lequel l’agenda islamiste du Soudan serait repris par les forces nouvelles issues des périphéries : un islam des marchands, résolument ouvert sur le monde, entrant en compétition directe avec les intérêts occidentaux, tandis que Hemedti, encore au stade de l’accumulation du capital, cherche sa voie, sans aucun souci de l’avenir du Soudan et de son peuple, mais ouvert aux nombreuses opportunités qui s’offrent à lui sur ces terres du Sahel qui lui sont familières.
***
L’inversion du rapport entre centre et périphéries qui s’opère au Soudan est donc engagée, derrière les convulsions d’une transition démocratique condamnée. Elle signe l’épuisement de l’antique civilisation agraire centrée sur la vallée du Nil. Celle-ci s’efface au profit d’élans vitaux plus en phase avec la mondialisation : l’effondrement de l’État au bénéfice de forces économiques incontrôlées, et l’appel, si nécessaire, à un islam du business (et non pas des marchands), désincarné et déconnecté des réalités sociales, conçu comme un simple instrument de régulation autoritaire. Le Soudan constitue de ce point de vue un pendant à méditer des ruptures à l’œuvre dans l’ensemble des sociétés sahéliennes aujourd’hui.
- 1. On peut voir là un remake de la révolution du 25 janvier 2011 au Caire, où l’armée, à la suite d’un processus complexe, parvint à se débarrasser de Hosni Moubarak qui, après trente ans sur le siège présidentiel, envisageait de transmettre son pouvoir à son fils Gamal : celui-ci, lié aux jeunes affairistes du parti au pouvoir, menaçait l’accès aux prébendes de la caste des officiers supérieurs. Et, à l’issue du coup d’État de juillet 2013, le maréchal Al-Sissi parvint à se débarrasser de toute opposition, à commencer par l’élimination physique des Frères musulmans, première force politique du pays, tout en conservant le soutien occidental.
- 2. Le transfert à La Haye de ce responsable suprême du massacre de 300 000 civils, et du déplacement forcé de plus de 2 millions de personnes, fut prestement remplacé par une réprimande pour le coup d’État militaire par lequel il était arrivé au pouvoir – et qui n’avait donné lieu à aucune effusion de sang – et pour quelques centaines de milliers de dollars retrouvés sous son matelas.
- 3. Minni Minnawi occupe un siège au Conseil de souveraineté, tandis que Jibril Ibrahim est ministre des Finances : les hommes d’affaires de leur groupe ethnique, les Zaghawa, ont pris en quelques décennies le contrôle de l’économie marchande du Soudan.
- 4. Le Soudan est devenu le deuxième producteur d’or sur le continent africain, après l’Afrique du Sud.
- 5. La solde d’un mercenaire atteindrait 1 000 dollars par mois (un pactole !), versés à sa famille.
Du même auteur

Marc Lavergne
Reconstruire le Soudan ?

Marc Lavergne
Temps d’arrêt ou nouveau départ ?
Marc Lavergne, Invité international sur RFI, le 3 janvier 2022 ( par Jean-Baptiste Marot)
https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-international/20220103-d%C3%A9mission-du-premier-ministre-soudanais-il-a-manqu%C3%A9-de-caract%C3%A8re-pour-s-imposer-face-aux-militaires
Démission du Premier ministre soudanais: « Abdallah Hamdok était maintenant pris entre deux feux »
Après une nouvelle journée de mobilisation contre la confiscation du pouvoir par les militaires, le Premier ministre Abdallah Hamdok, visage civil de la transition au Soudan, a annoncé sa démission dimanche 2 janvier, plus de deux mois après un coup d’État suivi d’une répression qui a fait 56 morts dans le pays. Qu’est-ce que cela préfigure pour le pays ?
RFI : Cette démission était écrite, depuis qu’Abdallah Hamdok a accepté de reprendre son poste, un mois après le coup de force du général, ou bien c’est une surprise ?
Marc Lavergne : Je crois que c’était attendu, dans la mesure où Abdallah Hamdok était maintenant pris entre deux feux, entre la rue qui refusait toute suggestion par rapport aux militaires et qui voyait que cette transition n’aboutissait à rien, puisque le pays ne s’était pas redressé sur le point économique et que les militaires étaient toujours là avec une chape de plomb qui contrôlaient d’une part la vie économique et d’autre part la vie politique. Il y a eu des manœuvres qui ont permis aux militaires de récupérer certains groupes rebelles de leur côté, de faire ressortir les islamistes de l’ancien régime et de leur redonner une place, ainsi que les vieux partis politiques assez démonétisés comme le parti Oumma.
Donc, Il y avait une sorte de cul-de-sac dans lequel se trouvait le Premier ministre et il a tiré cette conclusion, en jetant l’éponge, ce qui était attendu depuis le début car il avait accepté de servir de vitrine aux militaires pour finalement donner, à cette révolution soudanaise, une image très positive en Occident et donc obtenir que soient levées des sanctions, que l’argent revienne mais au détriment finalement de la population (…)
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24 pctobre 2021, RFI Invité Afrique
https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-afrique/20211024-marc-lavergne-le-gouvernement-de-transition-soudanais-est-menac%C3%A9
«Le gouvernement de transition soudanais est menacé»
Alors que le Soudan a été ces derniers jours le théâtre de manifestations massives, entretien avec Marc Lavergne, chercheur au CNRS. (par Alexandra Branjeon)
Au Soudan, des centaines de milliers de personnes ont défilé jeudi 21 octobre dans plusieurs villes du pays, en soutien au gouvernement civil du Premier ministre Abdalla Hamdok. De leur côté, des milliers de partisans du pouvoir militaire observent un sit-in depuis plus d’une semaine devant le palais présidentiel.

Jeudi 21 octobre 2021, des manifestants ont défilé dans la capitale soudanaise et dans tout le pays pour soutenir le gouvernement civil du premier ministre Abdalla Hamdok, contre les militaires. Khartoum. © REUTERS – MOHAMED NURELDIN ABDALLAH
RFI : Il y a quelques jours, on a vu des centaines de milliers de Soudanais défiler dans les rues en soutien au gouvernement d’Abdallah Hamdok. Pourquoi cela ? Le gouvernement est-il menacé ?
Marc Lavergne : Oui. Le gouvernement est menacé de différentes manières. D’abord, cette transition démocratique qui dure depuis plus de deux ans n’a pas apporté tout ce qui en était attendu par la population, en matière en particulier de ressources et de bien-être. D’un autre côté, la transition est menacée par des forces externes, d’après ces manifestants, par les militaires qui sont partie prenante de la transition, mais aussi par des différences internes.
Par des militaires… Quels sont les signes de cette menace ?
Il y a eu un coup d’État qui a été mené le 21 septembre dernier par des groupes qui ne sont pas encore identifiés, mais en tout cas issus de l’armée. Puis, il y a le fait que les militaires eux-mêmes, ou en tout cas leur chef, le président du Conseil de souveraineté, qui a déclaré qu’il n’était pas satisfait du gouvernement des civils qui n’avait pas apporté les résultats qu’on en attendait, c’est-à-dire en particulier une restauration de l’économie du pays.
En effet, les civils accusent les militaires de vouloir saboter cette transition. Pourquoi ?
Je pense que les militaires n’ont jamais été vraiment sincères dans cette transition démocratique. Ils sont issus de l’ancien régime. C’étaient tous des gens qui ont servi sous le général Omar el-Béchir. Ça, c’est une chose. Et puis l’autre chose, c’est qu’ils sont soutenus par des pays comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et puis l’Égypte du maréchal [Abdel Fattah] al-Sissi qui ne sont pas des démocraties et qui ne souhaitent pas voir un pouvoir démocratique s’installer au Soudan (…)
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