Les tribulations d'un géographe, d'un Orient à l'autre

Les sociétés arabes face aux défis du XXIème siècle, par Marc Lavergne

Programme  3 avril 2014

Renaissances arabes et musulmanes

Cycle de conférences organisé par le GREMMO, Université Lyon 2-CNRS

Les sociétés arabes face aux défis du XXIème siècle, par Marc Lavergne



Éthiopie : le barrage sur le Nil est « une victoire majeure qui ne suffira pas à réunifier le pays »

21 février 2022

https://www.france24.com/fr/afrique/20220221-%C3%A9thiopie-le-barrage-sur-le-nil-est-une-victoire-majeure-qui-ne-suffira-pas-%C3%A0-r%C3%A9unifier-le-pays

France 24 fait le point sur les enjeux économiques et politiques du barrage de la Renaissance avec Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS spécialiste de la Corne de l’Afrique.   

Deux voisins de l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan tentent depuis des années de bloquer ce projet de barrage. Dans ce combat, le lancement de la production d’électricité constitue-t-il une avancée pour l’Éthiopie ou bien une victoire définitive ?   

Marc Lavergne : Il s’agit à mon sens d’une réelle victoire pour l’Éthiopie car l’activation du barrage va démontrer une bonne fois pour toute que l’argumentaire égyptien ne tient pas. Ces derniers affirment que le projet risque d’occasionner des problèmes d’approvisionnement en eau. Or l’Égypte n’est pas du tout en situation de pénurie potentielle. Il y a effectivement des problèmes d’approvisionnement mais qui sont avant tout liés à des infrastructures défaillantes et à une mauvaise optimisation, car l’eau est gratuite en Égypte et ne passe pas par un opérateur.  

Dans ce conflit, le dirigeant al-Sissi cherche avant tout à protéger sa position d’allié régional des États-Unis, essentielle pour sa survie politique. L’influence grandissante de l’Éthiopie à travers ce projet économique majeur est perçue comme une menace par le Caire.    

Le Soudan, ancienne colonie égyptienne historiquement dépendante de son voisin, a soutenu l’initiative du Caire pour des raisons politiques mais était en réalité assez embarrassé. Le gouvernement avait même reconnu que le barrage pourrait au contraire être une protection contre les inondations qui posent de gros problèmes au Soudan.

Dans ce contexte, la partie semble définitivement perdue pour l’Égypte qui avait un temps menacé de bombarder le barrage, mais ne peut se permettre une telle riposte vis-à-vis de ses soutiens américains et israélien.   

Ce barrage, parmi les plus grands au monde, aurait coûté plus de quatre milliards de dollars selon les experts. Quels bénéfices économiques l’Éthiopie espère-t-elle en tirer ?  

Le pays est dans une situation économique très compliquée. Il fait face à une crise d’appauvrissement des terres cultivables du fait d’une surexploitation des sols, liée à la très forte croissance démographique avec une population qui atteint aujourd’hui 115 millions d’habitants.

Jusqu’ici les principaux investissements étrangers dans l’économie concernaient l’emploi de main-d’œuvre dans l’industrie textile qui, encore moins cher qu’au Bengladesh, figure parmi les plus rentables au monde. Son commerce extérieur demeure très pauvre et se limite principalement aux exportations de fleurs et de café et à l’importation de produits pétroliers.

Dans ce contexte, l’exploitation du barrage représente une manne financière énorme à l’échelle du continent, dont l’approvisionnement en électricité est largement insuffisant, mais également à l’échelle du monde, avec notamment la Chine, principal partenaire économique de l’Éthiopie. Elle a accepté de préfinancer le barrage et compte beaucoup sur les exportations éthiopiennes.     

La guerre entre le gouvernement central et les rebelles tigréens du nord perdure depuis plus d’un an. Le Premier ministre a récemment mis fin à l’état d’urgence, libéré des prisonniers et accepté la mise en place d’un dialogue national. Le barrage, désormais fonctionnel, peut-il favoriser une résolution du conflit ?    

Le résumé de la semaine
France 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine
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Le barrage de la Renaissance a été initié par l’ancien Premier ministre et dirigeant du Front de libération du peuple du Tigré, Meles Zenawi. Ce dernier avait alors présenté ce projet comme une opportunité économique majeure qui permettrait de mettre fin, une fois pour toute, aux conflits interethniques pour unifier le pays. Cette approche nationaliste avait suscité un engouement très fort de la population qui a largement été mise à contribution.

Le projet a été financé en partie par le biais de taxes sur le salaire des fonctionnaires ainsi que par des collectes qui ont connu un grand succès. Certains Éthiopiens sont allés jusqu’à céder leurs biens et donner leurs bijoux de famille pour y participer. Car l’Éthiopie a beau être une nation pluriethnique attachée à la diversité, le sentiment nationaliste y est extrêmement fort.     

Aujourd’hui, la mise en service du barrage donne l’impression qu’Abiy Ahmed a gagné face aux Tigréens puisqu’il est parvenu à faire aboutir le projet. Cette avancée économique majeure lui permet de reléguer le conflit avec le TPLF en crise régionale, mais en réalité elle ne suffira pas à réunifier le pays. L’accomplissement de ce vieux mythe éthiopien par le progrès économique paraissait jouable en 2011 lorsque le TPLF était au pouvoir. Mais pour mener la guerre contre les Tigréens, Abiy Ahmed, qui n’avait pas réellement d’armée, a instrumentalisé les divisions ethniques.

Aujourd’hui il a totalement perdu le contrôle de ce conflit qui ne pourra se régler par une simple déclaration de victoire ou un cessez-le-feu. La question désormais est de savoir à quoi va servir le barrage. Car outre le risque de sabotage lié au conflit, la bonne exploitation de cet outil nécessite des investissements massifs étrangers qui risquent d’être remis en question dans un contexte de guerre généralisée.



Dubai – von der Wüstenstadt zur Stadt in der Wüste

An 2000

Marc Lavergne, Brigitte Dumortier

https://www.fachportal-paedagogik.de/literatur/vollanzeige.html?FId=565587

Geographische Rundschau, n°52 (2000) vol. 9, pp. 46-51

Dubai ist eine Küstenstadt mit langer Handelstradition. Die wirtschaftlichen Bedingungen und die ökonomische Basis der Stadt haben sich die vergangenen 15 Jahre grundlegend geändert. Der Beitrag geht der Frage nach, ob Dubai heute noch eine durch die Wüste geprägte Stadt ist oder eine Stadt, die zwar von der Wüste umgeben ist, aber durch diese nicht nachhaltig geprägt wird.



Annales de Géographie Doubai : ville du pétrole ou projet métropolitain post-pétrolier. 2002

Doubaï : ville du pétrole ou projet métropolitain post-pétrolier.

Dumortier Brigitte, Lavergne Marc.
In: Annales de Géographie, t.111, n°623, 2002. pp. 41-59;
doi : https://doi.org/10.3406/geo.2002.2085

https://www.persee.fr/docAsPDF/geo_0003-4010_2002_num_111_623_2085.pdf

Sur la rive arabe du golfe Persique, Doubaï est la seconde ville des Émirats Arabes Unis, après Abou Dhabi, la capitale fédérale. Depuis une trentaine d’années, le devenir de Doubaï est lié à l’exploitation des hydrocarbures, directement, car l’émirat dispose des modestes revenus pétroliers de quelques gisements bientôt épuisés, et indirectement, puisqu’il profite, par le biais du budget fédéral, des immenses ressources de l’émirat d’Abou Dhabi. Mais Doubaï est aussi une cité-marchande, héritière d’une longue tradition maritime fondée sur la pêche perlière et la navigation commerciale, partie prenante dans la mondialisation comme centre de transit et de redistribution vers des horizons qui dépassent désormais ses liens traditionnels avec l’Iran et le sous-continent indien. Cet article s’efforce de montrer que Doubaï n’est pas une simple ville pétrolière du Golfe, Babel futuriste bâtie sur du sable, mais une métropole post-pétrolière, édifiée sur un projet économique qui intègre le passé prépétrolier pour en faire un atout dans la compétition internationale.



Participation à des jurys de thèse

Soutenances de thèses

Moyen-Orient

2020 : Boussel Pierre : « Géostratégie du Temps au Proche-Orient », Laboratoire CITERES/EMAM, Université de Tours (dir. Marc Lavergne);

Maghreb

2007 : Y. Kouzmine,  « Dynamiques et mutations territoriales du Sahara algérien », Université de Besançon, (Dir. M-H de Sède-Marceau) ;

Arabie Saoudite

20 septembre 2019 : Romain Aby : « Analyse géopolitique des relations bilatérales entre l’Arabie Saoudite et la Chine » (1990-2017), Université Paris-8, Institut Français de Géopolitique, (Dir. Barbara Loyer), Président du jury ;

1996 : J. Seguin, «  L’Egypte et l’Arabie Saoudite : système, réseaux et interfaces autour de la mer Rouge septentrionale », Université de Tours (Dir. J-F Troin) ;

Egypte

22 novembre 2012  : Lise Debout,  « Gouvernements urbains en régime autoritaire. Le cas de la gestion des déchets ménagers en Egypte », Géographie et aménagement, université Lyon 2 (président du jury) ;

2010 : Hala Bayoumi, “Contribution à la modélisation et à la simulation des dynamiques socio-spatiales : phénomènes complexes en géographie, le cas de l’Égypte”, EPHE (Dir. M-F Courel) ;

Emirats Arabes Unis 

2021 :  Masson Semple, Laure : « Créer la ville de Dubaï : pouvoir tribal et aménagement urbain face au défi de la mondialisation », Université Lyon 2, (dir. Fabrice Balanche) (rapporteur);

24 janvier 2013  : Amin Moghadam, «  L’Autre rive : l’Iran recomposé de Dubaï. Etude des pratiques et discours des migrants iraniens  », Géographie et aménagement, Université Lyon 2 (directeur de thèse)  ;

2011 : Nadim Hasbani , « La politique de défense des Emirats Arabes Unis au sein des enjeux géopolitiques du golfe arabo-persique », Université Paris-VIII, Institut français de Géopolitique (Dir. L. Carroué) ;

2003 : B. El-Ghoul, « De la cité marchande à la cité globale. Pouvoir et société à Dubaï », Institut d’Etudes Politiques de Paris (Dir. G. Kepel) ;

Jordanie

16 décembre 2021 : Matthieu Alaime : « Economie et fabrique urbaine d’une extraterritorialité emblème du néolibéralisme. Le cas de la zone économique spéciale d’Aqaba en Jordanie », Université de Tours (dir. Nora Semmoud), rapporteur :

2004 : C. Jungen, « Les jeux de la relation. Ethnographie des élaborations du prestige à Kérak, Jordanie », Université Paris-X (Dir. R. Jamous) ;

15 décembre 1992 : A. Nsair : « Séismes démographiques et politiques d’habitat en Jordanie : le cas d’Amman », Université Paris-12 Val de Marne (Dir. C. Chaline) ;

Liban

17 octobre 2019 : Christèle Allès : « Etat et territoires au Liban. Une analyse à partir des politiques publiques de l’eau ». sous la direction de M. François Madoré, Laboratoire IGARUN, Université de Nantes ;

10 septembre 2019 : Ahmad Zakaria :  » Conflits et migration forcée. Le cas des réfugiés syriens au Liban », Laboratoire MIGRINTER, Université de Poitiers, sous la direction de MM. Cédric Audebert et Cyril Roussel (Président) ;

19 décembre 2017 :  Chebib Amane : « L‘impact des facteurs physiques et humains sur le développement durable d’une région marginalisée : le cas de Dennieh (Liban-Nord)  », GREMMO, co-tutelle Université Libanaise/Université Lyon 2 ;  Beyrouth, UL,  (co-directeur);

2 mars 2015  : Bruno Dewailly «  Pouvoir et production urbaine à Tripoli al-Fayhâ’a (Liban). Quand l’illusio de la rente foncière et immobilière se mue en imperium  », Université de Tours (président du jury) ;

2003 : N. Baalbaky, « Le nouveau Beyrouth : contribution à l’étude de la centralité urbaine », Université Paris-X,  (Dir. G. Burgel) ;

Libye

2022 : Hasard, Christian : « Les mouvements islamistes en Libye (2011-2020). Hétérogénéité et enjeux géopolitiques », Université Paris-8, Institut Français de Géopolitique, (dir. Ali Bensaad), Président du jury.

2021 : El Kawafi, Mohamed : »Libye : le pluralisme médiatique à l’épreuve de la dualité institutionnelle », Université Paris-8,Institut Français de Géopolitique, (dir. Ali Bensaad), Président du jury

2021 : El Arnaoti, Alal : « Renouvellement et lutte de reclassement des élites libyennes en situation post – révolutionnaire : le cas de Tripoli », Institut Français de Géopolitique, Université Paris-8 (dir. Ali Bensaad), Président du jury.

Oman

2020 : Klinger, Thibaut : « L’aménagement du territoire et la construction de l’identité nationale au sultanat d’Oman », Laboratoire CITERES/EMAM, Université de Tours (dir. Marc Lavergne);

Somalies

2020 : Ismail Oumar Keldon : « Identités et pouvoir dans les villes du monde somali de la Corne de l’Afrique », Université de Rennes (Anne Rouallet, dir.) (rapporteur) ;

18 mai 2018 : François Guiziou : « Le monde somali. Les apparences du chaos aux périphéries de la mondialisation », Université de Nantes Bretagne-Loire, sous la direction de Monsieur le Professeur Jacques Guillaume  (rapporteur) ;

Soudans

24 juin 2013  :  Clémence Pinaud : ォ  Les armes, les femmes et le bétail. Une histoire sociale de la guerre civile au Sud-Soudan (1983-2005), CEMAF, Université Paris-1  (Dir. Gérard Prunier);

2006 : A. Choplin,  « Fabriquer des villes entre monde arabe et Afrique noire : Nouakchott (Mauritanie) et Khartoum (Soudan). Etude comparée ». Université Paris-I, (Dir. M-F Courel) ;

1996 : J. Hammad, « Pouvoir, idéologie; société. Le cas du Soudan de Numayri (1969-1985), Université Paris-VII (Dir. Jacques Couland) ;

12 décembre 1996 : S. Hussein : « Media et cohésion sociale au Soudan depuis l’indépendance jusqu’à nos jours » , Université Paris-1 (Dir. Jean-Pierre Chrétien)  (rapporteur);

Syrie

26 juin 2014  : M. Fidaa Zayna «  La ruralisation et la mutation socio-spatiale en Syrie. Le développement des villages de montagne ans l’arrière-pays de Lattaquié  » , Institut d’urbanisme et d’aménagement régional de l’université d’Aix-Marseille/MMSH, (rapporteur)  ;

2007 : C. Roussel,  « L’espace communautaire des Druzes du Sud de la Syrie : des stratégies de création d’un territoire à celles de la mobilité » Université de Tours,(Dir. P. Signoles) ;

2004 : M. Ababsa, « Idéologies et territoires dans un front pionnier : Raqqa et le projet de l’Euphrate en Jazira syrienne » Université de Tours, (Dir. P. Signoles) ;

 



Un choix d’interventions média en 2018 :

14 octobre 2018 : https://www.france24.com/fr/20181014-erythree-ethiopie-reconciliation-paix-nouvel-exode-refugies-camp-frontieres

4 octobre 2018 : RFI, émission Décryptage, Soudan du Sud : la guerre la plus meurtrière du monde ; http://www.rfi.fr/emission/20181004-soudan-sud-guerre-cours-plus-meurtriere-monde

20 septembre 2018 : France -Culture, émission Enjeux internationaux,  Soudan du Sud  : la paix en vue ?

https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-internationaux/soudan-du-sud-nouvel-accord-de-paix-signe-sous-la-pression

12 aout 2018, RFI, émission Géopolitique par Chantal Lorho, avec Hala Kodmani et nabil Ennasri : Un an après l’accession au pouvoir de Mohamed ben Salman en Arabie Saoudite :
www.rfi.fr/emission/20180812-arabie-saoudite-bilan-salman-qatar-canada-hariri-femmes

Juillet 2018 : Africa n°1, émission Le grand débat, avec Mohamed Nagi et Michel Raimbaud, sur les perspectives de paix au Soudan du Sud

Juillet 2018 : TV 5 Monde, émission Info Afrique : https://information.tv5monde.com/afrique/l-erythree-beaucoup-gagner-d-un-rapprochement-avec-l-ethiopie-247629

12 mai 2018 : RFI, invité Afrique :http://www.rfi.fr/emission/20180512-soudan-sud-situation-humanitaire-est-catastrophique

6 avril 2018 : Emission Africa, sur RFI en langue anglaise : New port projects in Red Sea corridor for Sudan, Somaliland as Arab backers jostle for position :

http://en.rfi.fr/africa/20180406-new-port-projects-red-sea-corridor-sudan-somaliland-arab-backers-jostle-position

7 février2018 : France Culture, émission Culture Monde : Les monarchies modernes : De Qabous à Ibn Salmane, les défi de la succession

https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/culturesmonde-du-mercredi-07-fevrier-2018

20 janvier 2018 : RFI, Invité Afrique : Le Soudan manque de ressources  »

http://www.rfi.fr/emission/20180120-marc-lavergne-soudan-manque-ressources



RFI Appels sur l’actualité Partenariat Egypte/Arabie Saoudite

Réponse à la question d’un auditeur de Côte d’Ivoire le 9 mars 2018

Visite du prince Mohamed bin Salman au Caire et engagement sur l’intégration régionale autour de projets de développement

Délicat d’aborder ces sujets sur une chaîne publique française à diffusion internationale : l’Arabie Saoudite et l’Egypte sont nos deux principaux « partenaires » comme on dit pudiquement, dans la région, c’est-à-dire nos plus gros clients, et donc au sens propre, nos « donneurs d’ordres ».

Les mirages d’une mondialisation « hors sol »

De quoi s’agit-il ? D’un nouveau volet du projet « Vision 2030″ de MBS : la « mise en valeur » du littoral saoudien au nord de la mer Rouge, une région désertique et excentrée que j’avais parcourue en 1981 dans le cadre d’une mission du ministère saoudien de l’agriculture et des eaux, pour la modique somme de 500 milliards de dollars.

Concrètement, ce projet NEOM, qui n’a été précédé d’aucune étude sérieuse de faisabilité, ni technique, ni économique ou financière, vise à dégager  un nouvel horizon pour l’Arabie Saoudite, pour tenter de sortir sans trop de casse de l’ère du tout-pétrole. Ce projet mirifique, à dominante touristique, prévoit  une extra-territorialité attractive pour les investisseurs industriels et technologiques : il s’agit  d’attirer des financements internationaux qui donneront ainsi une assurance-vie à l’Arabie, et plus spécifiquement à la famille régnante.

Pour étoffer le projet et le rendre plus crédible (le délai de 12 ans jusqu’à sa mise en route est si illusoire qu’on s’étonne qu’aucun commentateur ne l ‘ait relevé), MBS se rend dans l’ Egypte de Sissi, elle aussi toujours en quête de chimères pour sortir du marasme. Non pas pour trouver des fonds, bien sûr, puisque l’Arabie est le banquier de l’Egypte, client insolvable, mais pour le coupler avec un micro-projet égyptien du même ordre. Depuis Sadate, les gouvernements égyptiens ont abandonné l’idée de développé leur pays à partir de la vallée et du delta, où se trouve la population, les campagnes et les villes engorgées et ingérables.

En quête de « nouvelles frontières »

Les déserts et les côtes sont désormais les « nouvelles frontières » d’une Egypte retournée comme un gant. Moubarak s’était installé à demeure à Charm el Cheikh, au Sinaï, après en avoir chassé la population bédouine, et en avait fait sa capitale diplomatique.

Aujourd’hui, après avoir donné à l’Arabie deux îles qui verrouillent l’entrée du golfe d’Aqaba, Tiran et Sanafir, en dépit d’un baroud d’honneur de la Cour Suprême égyptienne et l’offuscation des Egyptiens, Sissi sort de sa casquette la création d’un fonds d’investissement de 10 milliards de dollars, destiné à financer un projet de développement sur un périmètre de 1000 km2 face à la rive saoudienne du détroit de Tiran. Il s’agit de créer une zone franche internationale destinée à accueillir les paquebots de croisière, et toutes les nouvelles lunes de la nouvelle économie : énergies renouvelables, écotourisme, biotechnologies, lors d’une première phase à démarrer début 2019 pour une entrée en activité en 2022. Pour cocher toutes les cases, on y a joint la protection des coraux, mais aussi, pour rester sérieux et crédible, la construction de cinq palais.

Derrière ces fadaises, qui font suite au « doublement » du canal de Suez, inauguré naguère en présence du président français François Hollande, ou à la mise en valeur agricole annoncée de 700 000 feddan (environ 300 000 ha) de désert dans la dépression de Farafra, projets mirifiques dont on n’entend plus parler, il y a un vrai projet géostratégique.

La « Sainte Alliance « 

Tous contre l’Iran

Derrière ces projets se profile en effet la nouvelle alliance qui vise à dessiner la nouvelle carte du Moyen-Orient : avec Israël et la Jordanie, ces quatre pays forment le socle de la résistance à l’avancée iranienne dans la région. L’alliance entre Israël et l’Egypte est déjà  depuis longtemps – avec l’intermède de la présidence Morsi  – le pilier de la survie de l’Egypte, sous la houlette américaine, qui entretient financièrement les deux armées. Et la Jordanie est gérée directement depuis Tel Aviv et Washington. L’élément nouveau est l’engagement ouvert de l’Arabie Saoudite aux côtés d’Israel dans le « containment » et la déstabilisation de l’Iran.

Ces projets de développement sont certes le fait de dirigeants ineptes en ce qu’ils s’illusionnent (ou pas ?) sur les capacités de leurs pays et ignorent les attentes de leur population ; mais ils sont assez cohérents avec ce manque d’intérêt en ce qu’ils misent sur un redressement économique sans effort et sans réformes structurelles du fonctionnement de l’Etat et de la société : « tout changer pour que rien ne change ».

Kill Dubai !

J’y vois également, avec la localisation de ce projet à l’entrée du canal de Suez, à un emplacement privilégié sur une artère vitale du commerce internationale, l’intention de marginaliser Dubaï en la concurrençant sur son terrain. Dubai a jusqu’à présent mené la course en tête de la mondialisation économique. mais elle est située sur une mer fermée. Par ailleurs, son succès attise jalousie et rancœur, car elle a le défaut d’être attractive par sa permissivité contrôlée, d’offrir un modèle de réussite, de faire contrepoids à Abou Dhabi et surtout d’être le poumon de l’Iran.

Derrière la Sainte Alliance contre l’Iran, on perçoit donc toutes les implications de ces projets que le prince MBS concocte avec les stratèges de Trump et de Netanyahu : « règlement » de la question palestinienne par l’élimination du Hamas et des Frères Musulmans partout où ils constituent une menace, imposition d’un protectorat sur le Qatar et le Yémen, comme c’est le cas du Bahrein…

Reste la Chine et ses nouvelles « routes de la soie » : elle reste discrète mais peut être intéressée à jouer les « pousse au crime » en prêtant les fonds nécessaires, en tablant sur leur échec pour récupérer sa mise sous forme de cessions et de concessions de toutes sortes, à commencer par le pétrole et ses infrastructures : un remake de la dette ottomane, qui permit aux puissances européennes de démanteler l’empire ottoman à la fin du XIXème siècle. L’Arabie Saoudite a déjà décidé de céder 5 % de l’Aramco pour entamer le financement de ses projets…

 

 

 



RFI Appels sur l’actualité

Deux réponses de Marc Lavergne à des auditeurs  de Côte d’ivoire ces jours-ci :

28 février : Egypte/Ethiopie : le barrage de la colère : en bref, l’Egypte ne peut pas s’opposer à la construction de ce barrage, déjà bien entamée, et ne peut qu’espérer obtenir un étalement de la mise en eau de quelques années. Mais ce barrage ne réduira pas son alimentation en eau, puisque l’objectif premier sera la production hydroélectrique. A plus long terme, mais personne ne l’évoque à voix haute, il est certain que l’Ethiopie se servira de ce barrage pour développer des projets hydro agricoles sur les basses terres frontalières du Soudan. En avril 2010, j’avais rendu visite aux ingénieurs éthiopiens, soudanais et égyptiens qui travaillaient ensemble  sur les projets d’aménagement du Nil Bleu dans leurs bureaux d’Addis Abeba, alors que la tension montait déjà à la perspective de la construction de ce barrage dit à l’époque du Millénaire.

Il n’y a cependant aucun risque de voir les tensions déboucher sur un conflit armé : les deux pays n’ont pas de frontière commune, l’Egypte ne manque pas d’eau, elle a plutôt un excédent depuis la construction du haut barrage d’Assouan, et elle en gaspille la plus grande partie, en usages urbains, en surirrigation et en tentatives de colonisation de terres désertiques. Mais la population égyptienne est aujourd’hui en majorité urbaine, l’extension des surfaces urbanisées réduit la surface agricole disponible, et gêne le fonctionnement des systèmes d’irrigation et de drainage.  L’Egypte survit grâce à quatre rentes : le tourisme, les envois des émigrés, les hydrocarbures et le canal de Suez. Ces rentes ont en baisse tendancielle, car mal gérées ou victimes de l’incurie et de l’incompétence des gouvernements successifs ; donc l’Egypte vit de la charité internationale, motivée par la crainte de la voir basculer dans le chaos.

Le conflit avec l’Ethiopie provient donc bien plus d’un sentiment égyptien d’humiliation face au changement de rapport de force avec ses voisins d’amont, qui s’inscrit dans un sentiment plus général d’impuissance et de déclin. Sentiment de frustration face à la montée en puissance économique de l’Ethiopie, crainte de voir celle-ci la concurrencer dans le cœur des Américains, bien installés désormais à Djibouti, comme gardienne de la région ? Crainte de voir celle-ci s’allier avec le Soudan hostile et de voir un front africain des riverains du Nil contrarier ses rêves d’hégémonie ? Il est loin le temps où le pape copte d’Alexandrie nommait, jusqu’aux années 70,  l’abuna et le haut clergé éthiopien…L’Egypte espère désormais son salut de l’alliance stratégique avec Israël et avec les monarchies du Golfe contre l’Iran, dans laquelle elle joue les utilités en entretenant l’illusion d’une armée puissante. Cela transparaît même dans l’aménagement de son territoire, où la vallée au sud du Caire est abandonnée à elle-même, à l’exception de quelques sites touristiques, tandis que tous les projets de développement sont centrés sur les rivages désertiques et le canal de Suez.



La situation au Soudan du Sud, dans l’émission Eglises du monde, avec Marc Lavergne, chaîne KTO, le 7 mars 2018

Un 26 minutes de rappel des fondamentaux du conflit qui déchire le Soudan du Sud depuis décembre 2013, et de la responsabilité des acteurs locaux, mais aussi de la communauté internationale…

http://www.ktotv.com/emissions/eclairages/debats-et-actualite/eglises-du-monde

Sur le même sujet, voir le film prémonitoire « Nous venons en amis », de Hubert Sauper, 29è prix de la paix 2014 (64è Berlinale Special), Prix du meilleur documentaire , Festival international de Vienne, Prix spécial du jury 2014 Sundance World Cinema Documentary 2014, DVD Le pacte/Blaq out, avec un supplément « Rencontre avec Marc Lavergne ».

Lire également de Marc Lavergne :

2016 : « La division du Soudan ou l’échec de la paix américaine », in « Les conflits dans le monde. Approche géopolitique », 2ème éd., B. Giblin dir., Armand Colin, Coll.U, chap. 15, pages 221-232 ;

INTERVIEW Au Soudan du Sud, «la paix va être une paix de combattants»
Par Célian Macé(http://www.liberation.fr/auteur/6841-celian-mace) — 2 mai 2016 à 19:11

2013 : La partition du Soudan : fin de partie ou incident de parcours ? in Partition et répartition des espaces. Actualité de l’Afrique Soudan – Corne de l’Afrique“, Aquilon, Revue des internationalistes, n°9, pages 34-41;

2012 : Les Soudans après la sécession du Sud : des lendemains qui déchantent, Questions internationales n°58, La Documentation française, pages 103-111 ;

2012 : « La partition du Soudan : succès, échec ou fatalité ? » et « Le repli ethnique au service du pouvoir », Le magazine de l’Afrique, n° 28, IC Publications, octobre 2012, p.30-36 ;

2011 : « Soudan du Sud, chronique d’une indépendance annoncée », le Monde diplomatique, février 2011

2003 : (avec Fabrice Weissman) « Soudan : à qui profite l’aide humanitaire ? », A l’ombre des guerres justes. L’ordre international cannibale et l’action humanitaire, (F. Weissman dir.), Flammarion, coll. Populations en danger, pages 145-167 ; (versions anglaise et arabe)

1999 : « Sud-Soudan : guerre tribale, Jihad islamique ou genèse de la Nation ? », in La Nation et le territoire. Le territoire, lien ou frontière ?, Joël Bonnemaison, Luc Cambrézy et Laurence Quinty-Bourgeois (dir.) , L’Harmattan, Coll. Géographie et culture, t. 2, pages 51 à 60 ;

 1999 : « De la cuvette du Haut-Nil aux faubourgs de Khartoum : les déplacés du Sud-Soudan », in Déplacés et réfugiés, la mobilité sous la contrainte, Véronique Lassailly-Jacob, Jean-Yves Marchal et André Quesnel (dir.), Editions de l’IRD, Paris , pages 109 à 136 ;

 

 



Muhammad ben Salman, le mirage du changement

Une interview de Marc Lavergne par Antoine Dézert pour « La gazelle »,  » Le journal d’idées et d ‘engagement des étudiants parisiens » , mis en ligne le 6 mars 2018

http://lagazelle.net/muhammad-ben-salman-mirage-changements

 


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