Les tribulations d'un géographe, d'un Orient à l'autre

Dans le journal en ligne Asharq News de Dubai, mon article du 3 janvier 2023 sur « la relation franco-allemande à l’épreuve du défi de Poutine »
7 mars, 2023, 18:55
Classé dans : GEOPOLITIQUE

 

https://asharq.com/ar/1aOP8YKVB3nASD5E8lKJ9R-%D8%AF%D9%88%D8%B1-%D8%B9%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%8A-%D8%A3%D9%83%D8%A8%D8%B1-%D9%8A%D9%86%D8%AA%D8%B8%D8%B1-%D8%A3%D9%88%D8%B1%D9%88%D8%A8%D8%A7-%D8%A8%D8%B9%D8%AF-%D8%AA%D8%AC%D8%A7%D9%88%D8%B2/

دور عالمي أكبر ينتظر أوروبا بعد تجاوز « تحدي بوتين »



Le Dialogue : Présentation du numéro 13 « Mer Rouge » de la revue Orients Stratégiques


Les sociétés arabes face aux défis du XXIème siècle, par Marc Lavergne

Programme  3 avril 2014

Renaissances arabes et musulmanes

Cycle de conférences organisé par le GREMMO, Université Lyon 2-CNRS

Les sociétés arabes face aux défis du XXIème siècle, par Marc Lavergne



Éthiopie : le barrage sur le Nil est « une victoire majeure qui ne suffira pas à réunifier le pays »

21 février 2022

https://www.france24.com/fr/afrique/20220221-%C3%A9thiopie-le-barrage-sur-le-nil-est-une-victoire-majeure-qui-ne-suffira-pas-%C3%A0-r%C3%A9unifier-le-pays

France 24 fait le point sur les enjeux économiques et politiques du barrage de la Renaissance avec Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS spécialiste de la Corne de l’Afrique.   

Deux voisins de l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan tentent depuis des années de bloquer ce projet de barrage. Dans ce combat, le lancement de la production d’électricité constitue-t-il une avancée pour l’Éthiopie ou bien une victoire définitive ?   

Marc Lavergne : Il s’agit à mon sens d’une réelle victoire pour l’Éthiopie car l’activation du barrage va démontrer une bonne fois pour toute que l’argumentaire égyptien ne tient pas. Ces derniers affirment que le projet risque d’occasionner des problèmes d’approvisionnement en eau. Or l’Égypte n’est pas du tout en situation de pénurie potentielle. Il y a effectivement des problèmes d’approvisionnement mais qui sont avant tout liés à des infrastructures défaillantes et à une mauvaise optimisation, car l’eau est gratuite en Égypte et ne passe pas par un opérateur.  

Dans ce conflit, le dirigeant al-Sissi cherche avant tout à protéger sa position d’allié régional des États-Unis, essentielle pour sa survie politique. L’influence grandissante de l’Éthiopie à travers ce projet économique majeur est perçue comme une menace par le Caire.    

Le Soudan, ancienne colonie égyptienne historiquement dépendante de son voisin, a soutenu l’initiative du Caire pour des raisons politiques mais était en réalité assez embarrassé. Le gouvernement avait même reconnu que le barrage pourrait au contraire être une protection contre les inondations qui posent de gros problèmes au Soudan.

Dans ce contexte, la partie semble définitivement perdue pour l’Égypte qui avait un temps menacé de bombarder le barrage, mais ne peut se permettre une telle riposte vis-à-vis de ses soutiens américains et israélien.   

Ce barrage, parmi les plus grands au monde, aurait coûté plus de quatre milliards de dollars selon les experts. Quels bénéfices économiques l’Éthiopie espère-t-elle en tirer ?  

Le pays est dans une situation économique très compliquée. Il fait face à une crise d’appauvrissement des terres cultivables du fait d’une surexploitation des sols, liée à la très forte croissance démographique avec une population qui atteint aujourd’hui 115 millions d’habitants.

Jusqu’ici les principaux investissements étrangers dans l’économie concernaient l’emploi de main-d’œuvre dans l’industrie textile qui, encore moins cher qu’au Bengladesh, figure parmi les plus rentables au monde. Son commerce extérieur demeure très pauvre et se limite principalement aux exportations de fleurs et de café et à l’importation de produits pétroliers.

Dans ce contexte, l’exploitation du barrage représente une manne financière énorme à l’échelle du continent, dont l’approvisionnement en électricité est largement insuffisant, mais également à l’échelle du monde, avec notamment la Chine, principal partenaire économique de l’Éthiopie. Elle a accepté de préfinancer le barrage et compte beaucoup sur les exportations éthiopiennes.     

La guerre entre le gouvernement central et les rebelles tigréens du nord perdure depuis plus d’un an. Le Premier ministre a récemment mis fin à l’état d’urgence, libéré des prisonniers et accepté la mise en place d’un dialogue national. Le barrage, désormais fonctionnel, peut-il favoriser une résolution du conflit ?    

Le résumé de la semaine
France 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine
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Le barrage de la Renaissance a été initié par l’ancien Premier ministre et dirigeant du Front de libération du peuple du Tigré, Meles Zenawi. Ce dernier avait alors présenté ce projet comme une opportunité économique majeure qui permettrait de mettre fin, une fois pour toute, aux conflits interethniques pour unifier le pays. Cette approche nationaliste avait suscité un engouement très fort de la population qui a largement été mise à contribution.

Le projet a été financé en partie par le biais de taxes sur le salaire des fonctionnaires ainsi que par des collectes qui ont connu un grand succès. Certains Éthiopiens sont allés jusqu’à céder leurs biens et donner leurs bijoux de famille pour y participer. Car l’Éthiopie a beau être une nation pluriethnique attachée à la diversité, le sentiment nationaliste y est extrêmement fort.     

Aujourd’hui, la mise en service du barrage donne l’impression qu’Abiy Ahmed a gagné face aux Tigréens puisqu’il est parvenu à faire aboutir le projet. Cette avancée économique majeure lui permet de reléguer le conflit avec le TPLF en crise régionale, mais en réalité elle ne suffira pas à réunifier le pays. L’accomplissement de ce vieux mythe éthiopien par le progrès économique paraissait jouable en 2011 lorsque le TPLF était au pouvoir. Mais pour mener la guerre contre les Tigréens, Abiy Ahmed, qui n’avait pas réellement d’armée, a instrumentalisé les divisions ethniques.

Aujourd’hui il a totalement perdu le contrôle de ce conflit qui ne pourra se régler par une simple déclaration de victoire ou un cessez-le-feu. La question désormais est de savoir à quoi va servir le barrage. Car outre le risque de sabotage lié au conflit, la bonne exploitation de cet outil nécessite des investissements massifs étrangers qui risquent d’être remis en question dans un contexte de guerre généralisée.



Vient de paraître : « La mer Rouge, convoitises et réalités sur un espace stratégique »

file:///C:/Users/M A R C/Downloads/FDP – LA MER ROUGE CONVOITISES ET RIVALITÉS SUR UN ESPACE STRATÉGIQUE-1-1.pdf

Ouvrage collectif sous la direction de Marc Lavergne et David Rigoulet-Roze

Collection Orients stratégiques, éditions L’harmattan

Parution : le 23/11/22
Format : 15,5 x 24 cm
250 pages
ISBN : 978-2-14-031008-9
26 €

Contact promotion & presse : contact.servicepresse@harmattan.fr
01 40 46 79 22
Harmattan Édition – Diffusion
5–7, Rue de l’École Polytechnique 75005 Paris
commande@harmattan.fr
Tel. : 01 40 46 79 20
Fax : 01 43 25 82 03

Cité futuriste NEOM d’Arabie Séoudite, grand barrage éthiopien de la Renaissance, aménagements touristiques et industriels des golfes d’Aqaba et de Suez, ruées vers l’or du Soudan et exploitation pétrolière offshore, font de la mer Rouge, au-delà de son rôle irremplaçable pour le commerce international, un objet de convoitise et de projection pour ses riverains, ses voisins et les puissances globales. Ces projets engendrent également
des préoccupations sécuritaires liées à la piraterie et au terrorisme. Et le « jeu de go »des bases militaires rivales n’évite pas les effroyables conflits qui déchirent le Yémen et l’Éthiopie. L’Alliance d’Abraham autour d’Israël, promu au rang de protecteur régional, suscite le soulagement des dirigeants. Mais le « Grand jeu » régional persiste dans la rivalité entre les protecteurs historiques et des concurrents de rang global – Chine et Russie – mais aussi régional – Iran et Turquie. Une quinzaine des meilleurs spécialistes, familiers ou originaires de la région, sont ici réunis pour livrer un éclairage renouvelé sur les nombreux défis auxquels cet axe névralgique est confronté.

Ont contribué à cet ouvrage :
Louis Blin, Marc Lavergne, Roland Lombardi, Alaa Al- Din Arafat, Laurent Amelot, Selma el Obeid, Bezunesh Tamru, Amina Saïd Chiré, Aden Omar Abdillahi, Didier Billion, Joséphine Dedet, David Rigoulet-Roze.

 



Autour de la mer Rouge, d’ambitieuses « visions » confrontées à la persistance des menaces.

2022 : Marc Lavergne. Autour de la mer Rouge, d’ambitieuses « visions » confrontées à la persistance des menaces. Diplomatie. Les grands dossiers, Areion Group, 2022, Géopolitique des mers et des océans. Tensions sur les mers du globe, pp.53-55. ⟨hal-03737306⟩

 



En Afrique, la Russie mène une guerre « pas contre des ennemis, mais pour s’implanter »

https://information.tv5monde.com/info/en-afrique-la-russie-mene-une-guerre-pas-contre-des-ennemis-mais-pour-s-implanter-448283

Marc Lavergne, propos recueillis par Alicia Mihami, TV5 Monde,  13 mars 2022

 

Vladimir Poutine et Teodoro Obiang, président de la Guinée équatoriale le 24 octobre 2019 lors du sommet Afrique-Russie à Sotchi, en Russie. 
Vladimir Poutine et Teodoro Obiang, président de la Guinée équatoriale le 24 octobre 2019 lors du sommet Afrique-Russie à Sotchi, en Russie.
Valery Sharifulin / AP
11 mar 2022
Mise à jour 11.03.2022 à 20:16

En Afrique, la Russie mène une guerre « pas contre des ennemis, mais pour s’implanter »

par Alicia Mihami

Base militaire, vente d’armes, présence de mercenaires… Depuis quelques années, la Russie s’applique à étendre sa présence sur le continent africain.

Marc Lavergne, directeur émérite de recherches au CNRS et spécialiste de la Corne de l’Afrique décrypte cette politique d’influence qui devrait s’intensifier dans les prochaines années.

TV5MONDE : l’influence soviétique en Afrique ne date pas d’hier. Comment s’est-elle formée initialement ?Marc Lavergne, directeur émérite de recherches au CNRS : Tout simplement parce que le monde était partagé en deux, et les pays qui luttaient pour leur indépendance à l’époque ont été soutenus par l’Union soviétique. C’est le cas notamment des anciennes colonies portugaises, qui n’ont été libérées qu’après la révolution des Oeillets : l’Angola, le Mozambique, la Guinée Bissau…

Il y a de nouveau un « scramble for Africa », c’est-à-dire une compétition de grandes puissances pour avoir accès aux ressources de l’Afrique.

Tous ces pays étaient soutenus par le bloc de l’Est, pas seulement l’Union soviétique, dans une logique bloc de l’Est contre bloc de l’Ouest de part et d’autre du rideau de fer. Et ce soutien a duré jusqu’à la chute de l’URSS, en 1991.

TV5MONDE : comment la Russie reconstruit-elle cette influence aujourd’hui ? 

Marc Lavergne : Elle le fait sous un angle un peu différent. Il y a de nouveau un « scramble for Africa », c’est-à-dire une compétition de grandes puissances pour avoir accès aux ressources de l’Afrique. Et il ne faut pas oublier que la Russie est dirigée par des oligarques, qui cherchent à accéder à des matières premières (or, diamant etc.), parce que le pays n’a pas l’infrastructure industrielle pour exploiter des mines et transformer des minerais par exemple.

(Re)lire : sur la piste des oligarques russes

Mais la Russie opère dans une logique très différente de celle des autres grandes puissances. Il n’y a pas ce qu’on peut voir avec la Chine, qui cherche des matières premières, mais veut aussi vendre et fabriquer des objets sur le continent. La stratégie russe est aussi différente de celles des vieilles puissances coloniales comme la France, qui essaie de garder une influence politique, économique… Ce que la Russie cherche en Afrique relève plutôt du politique. C’est là qu’interviennent des entités comme le groupe Wagner.

(Re)lire : invasion russe de l’Ukraine : quelles sont les règles de la guerre et ont-elles été enfreintes ?

Ce faux-nez de l’armée russe recrute des mercenaires, encadrés par des membres du FSB ou des officiers à la retraite, et ces mercenaires sont autorisés à se payer sur la bête. Wagner, c’est la guerre bon marché, sous les radars, où la Russie s’affranchit de toutes les règles de la guerre, de la convention de Genève.

Wagner, c’est la guerre bon marché, sous les radars, où la Russie s’affranchit de toutes les règles

C’est une guerre non pas contre des ennemis, mais pour s’implanter dans des pays où la Russie n’a pas la possibilité de déployer des réseaux commerciaux. C’est le cas par exemple de la Centrafrique, où le président Faustin-Archange Touadéra ne peut compter sur personne dans son propre pays pour le protéger. Avec Wagner, la Russie sait rendre ce genre de service.


TV5MONDE : avoir de l’influence en Centrafrique est un enjeu important pour la Russie ? Marc Lavergne : Je crois que la Centrafrique est en première ligne. C’est un pays qui permettrait à la Russie de rayonner tout autour, aussi bien vers la République démocratique du Congo que vers l’Afrique de l’Est ou de l’Ouest… C’est une position stratégique, avec de de l’uranium, des diamants, c’est-à-dire des matériaux qui sont faciles à exporter. C’est aussi un pays extrêmement mal géré, sans infrastructures, avec une population inégalement répartie sur le territoire et désunie. C’est donc une implantation facile pour la Russie, particulièrement après l’échec de Sangaris et de la Minusca. Les Russes ont compris qu’il y avait là un ventre mou, et ils se sont installés à la place de la communauté internationale, discrètement.

(Re)voir : qui sont ces mercenaires du groupe russe Wagner ?

  De là, ils se sont implantés en Libye, puis ils ont déployé Wagner au Darfour, où ils oeuvrent avec Mohamed Hamdan Dogolo, chef des milices locales, qui exploite clandestinement des mines d’or, fait du trafic de migrants, de la contrebande, et qui est devenu l’homme fort de Khartoum aujourd’hui.

TV5MONDE : l’implantation d’une base militaire au Soudan est-elle la prochaine étape de l’expansion russe en Afrique ? 

Marc Lavergne : Dès qu’on parle de base militaire ou navale, il y a des crispations. Mais même si la Russie n’est pas nouvelle sur la Mer Rouge, tout le monde ne soutient pas ce projet. L’Égypte est inquiète de voir la Russie s’implanter au Soudan, idem pour l’Arabie saoudite, en face. Même le Soudan n’est pas forcément pour accueillir cette base, parce que le pays est tout de même dans la main des Américains. Mais comme les bases militaires françaises au Qatar, ou à Abu Dhabi, personne ne compte dessus, c’est juste symbolique.

TV5MONDE : que peut-on attendre de la Russie pour la suite alors ? 

Marc Lavergne : Je pense que la Russie va tenter d’accélérer son implantation, car il y a des places à prendre, notamment parce qu’il y a un rejet des vieilles puissances comme la France. Mais aujourd’hui, je vois un capitalisme africain qui se développe à vitesse grand V et beaucoup des anciens dirigeants qui sont en train de disparaître, au Gabon, au Cameroun…

« La Russie aura du mal à s’établir comme une puissance industrielle pouvant offrir des choses adaptées aux besoins des Africains »

Il y a une nouvelle génération, qui va ouvrir les portes de l’Afrique en grand. Aux Russes ? Pourquoi pas, à condition que les Russes aient quelque chose à proposer. À mon sens, la Russie aura du mal à s’établir comme une puissance industrielle pouvant offrir des choses adaptées aux besoins des Africains, et elle n’a pas la même culture commerciale que la Chine. Elle risque donc de se trouver face à ses propres limites.



Participation à des jurys de thèse

Soutenances de thèses

Moyen-Orient

2020 : Boussel Pierre : « Géostratégie du Temps au Proche-Orient », Laboratoire CITERES/EMAM, Université de Tours (dir. Marc Lavergne);

Maghreb

2007 : Y. Kouzmine,  « Dynamiques et mutations territoriales du Sahara algérien », Université de Besançon, (Dir. M-H de Sède-Marceau) ;

Arabie Saoudite

20 septembre 2019 : Romain Aby : « Analyse géopolitique des relations bilatérales entre l’Arabie Saoudite et la Chine » (1990-2017), Université Paris-8, Institut Français de Géopolitique, (Dir. Barbara Loyer), Président du jury ;

1996 : J. Seguin, «  L’Egypte et l’Arabie Saoudite : système, réseaux et interfaces autour de la mer Rouge septentrionale », Université de Tours (Dir. J-F Troin) ;

Egypte

22 novembre 2012  : Lise Debout,  « Gouvernements urbains en régime autoritaire. Le cas de la gestion des déchets ménagers en Egypte », Géographie et aménagement, université Lyon 2 (président du jury) ;

2010 : Hala Bayoumi, “Contribution à la modélisation et à la simulation des dynamiques socio-spatiales : phénomènes complexes en géographie, le cas de l’Égypte”, EPHE (Dir. M-F Courel) ;

Emirats Arabes Unis 

2021 :  Masson Semple, Laure : « Créer la ville de Dubaï : pouvoir tribal et aménagement urbain face au défi de la mondialisation », Université Lyon 2, (dir. Fabrice Balanche) (rapporteur);

24 janvier 2013  : Amin Moghadam, «  L’Autre rive : l’Iran recomposé de Dubaï. Etude des pratiques et discours des migrants iraniens  », Géographie et aménagement, Université Lyon 2 (directeur de thèse)  ;

2011 : Nadim Hasbani , « La politique de défense des Emirats Arabes Unis au sein des enjeux géopolitiques du golfe arabo-persique », Université Paris-VIII, Institut français de Géopolitique (Dir. L. Carroué) ;

2003 : B. El-Ghoul, « De la cité marchande à la cité globale. Pouvoir et société à Dubaï », Institut d’Etudes Politiques de Paris (Dir. G. Kepel) ;

Jordanie

16 décembre 2021 : Matthieu Alaime : « Economie et fabrique urbaine d’une extraterritorialité emblème du néolibéralisme. Le cas de la zone économique spéciale d’Aqaba en Jordanie », Université de Tours (dir. Nora Semmoud), rapporteur :

2004 : C. Jungen, « Les jeux de la relation. Ethnographie des élaborations du prestige à Kérak, Jordanie », Université Paris-X (Dir. R. Jamous) ;

15 décembre 1992 : A. Nsair : « Séismes démographiques et politiques d’habitat en Jordanie : le cas d’Amman », Université Paris-12 Val de Marne (Dir. C. Chaline) ;

Liban

17 octobre 2019 : Christèle Allès : « Etat et territoires au Liban. Une analyse à partir des politiques publiques de l’eau ». sous la direction de M. François Madoré, Laboratoire IGARUN, Université de Nantes ;

10 septembre 2019 : Ahmad Zakaria :  » Conflits et migration forcée. Le cas des réfugiés syriens au Liban », Laboratoire MIGRINTER, Université de Poitiers, sous la direction de MM. Cédric Audebert et Cyril Roussel (Président) ;

19 décembre 2017 :  Chebib Amane : « L‘impact des facteurs physiques et humains sur le développement durable d’une région marginalisée : le cas de Dennieh (Liban-Nord)  », GREMMO, co-tutelle Université Libanaise/Université Lyon 2 ;  Beyrouth, UL,  (co-directeur);

2 mars 2015  : Bruno Dewailly «  Pouvoir et production urbaine à Tripoli al-Fayhâ’a (Liban). Quand l’illusio de la rente foncière et immobilière se mue en imperium  », Université de Tours (président du jury) ;

2003 : N. Baalbaky, « Le nouveau Beyrouth : contribution à l’étude de la centralité urbaine », Université Paris-X,  (Dir. G. Burgel) ;

Libye

2022 : Hasard, Christian : « Les mouvements islamistes en Libye (2011-2020). Hétérogénéité et enjeux géopolitiques », Université Paris-8, Institut Français de Géopolitique, (dir. Ali Bensaad), Président du jury.

2021 : El Kawafi, Mohamed : »Libye : le pluralisme médiatique à l’épreuve de la dualité institutionnelle », Université Paris-8,Institut Français de Géopolitique, (dir. Ali Bensaad), Président du jury

2021 : El Arnaoti, Alal : « Renouvellement et lutte de reclassement des élites libyennes en situation post – révolutionnaire : le cas de Tripoli », Institut Français de Géopolitique, Université Paris-8 (dir. Ali Bensaad), Président du jury.

Oman

2020 : Klinger, Thibaut : « L’aménagement du territoire et la construction de l’identité nationale au sultanat d’Oman », Laboratoire CITERES/EMAM, Université de Tours (dir. Marc Lavergne);

Somalies

2020 : Ismail Oumar Keldon : « Identités et pouvoir dans les villes du monde somali de la Corne de l’Afrique », Université de Rennes (Anne Rouallet, dir.) (rapporteur) ;

18 mai 2018 : François Guiziou : « Le monde somali. Les apparences du chaos aux périphéries de la mondialisation », Université de Nantes Bretagne-Loire, sous la direction de Monsieur le Professeur Jacques Guillaume  (rapporteur) ;

Soudans

24 juin 2013  :  Clémence Pinaud : ォ  Les armes, les femmes et le bétail. Une histoire sociale de la guerre civile au Sud-Soudan (1983-2005), CEMAF, Université Paris-1  (Dir. Gérard Prunier);

2006 : A. Choplin,  « Fabriquer des villes entre monde arabe et Afrique noire : Nouakchott (Mauritanie) et Khartoum (Soudan). Etude comparée ». Université Paris-I, (Dir. M-F Courel) ;

1996 : J. Hammad, « Pouvoir, idéologie; société. Le cas du Soudan de Numayri (1969-1985), Université Paris-VII (Dir. Jacques Couland) ;

12 décembre 1996 : S. Hussein : « Media et cohésion sociale au Soudan depuis l’indépendance jusqu’à nos jours » , Université Paris-1 (Dir. Jean-Pierre Chrétien)  (rapporteur);

Syrie

26 juin 2014  : M. Fidaa Zayna «  La ruralisation et la mutation socio-spatiale en Syrie. Le développement des villages de montagne ans l’arrière-pays de Lattaquié  » , Institut d’urbanisme et d’aménagement régional de l’université d’Aix-Marseille/MMSH, (rapporteur)  ;

2007 : C. Roussel,  « L’espace communautaire des Druzes du Sud de la Syrie : des stratégies de création d’un territoire à celles de la mobilité » Université de Tours,(Dir. P. Signoles) ;

2004 : M. Ababsa, « Idéologies et territoires dans un front pionnier : Raqqa et le projet de l’Euphrate en Jazira syrienne » Université de Tours, (Dir. P. Signoles) ;

 



Soulèvements dans le monde arabe : l’exception soudanaise ?

Revue  Moyen-Orient, n°45, janvier-mars 2020

https://www.areion24.news/produit/moyen-orient-n-45/

Soulèvements dans le monde arabe : l’exception soudanaise ?

par Marc Lavergne
Fin 2019, la situation soudanaise semblait stabilisée : des mois de soulèvements populaires massifs guidés par l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), contre des forces armées représentées par le Conseil militaire de transition (CMT) mis en place au lendemain de la destitution du général-président Omar al-Béchir le 11 avril 2019, après 30 ans au pouvoir, ont abouti à la nomination du gouvernement dirigé par Abdallah Hamdok en août. Le rôle des monarchies du Golfe a été central dans le déroulement de cette transition, pour provoquer la chute du dictateur dans un premier temps, puis pour tenter, dans un second, d’éviter la mise en place d’une évolution démocratique. En vain.
Cette issue pacifiée est le résultat de la détermination du mouvement populaire soudanais qui a soulevé les villes du Soudan central depuis le 19 décembre 2018, contre la crise économique, puis contre la personne du chef de l’État et le régime islamiste en place depuis le 30 juin 1989. La combinaison du soulèvement de la rue et de la jeunesse au sein de l’ALC, avec des organisations plus chevronnées, compétentes et légitimes comme l’association des professionnels, a assuré sa poursuite jusqu’au 3 juin, où le sit-in installé devant le quartier général de l’armée a été sauvagement dispersé par les soldats mais aussi par des paramilitaire regroupés au sein des dites Forces de déploiement rapide (FDR) (1). Ainsi, on comprend que si l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis font contre mauvaise fortune bon cœur, leurs ambitions régionales, complémentaires ou rivales, demeurent, ainsi que leurs moyens de pression sur les nouvelles autorités de Khartoum.

Une milice à la solde de l’Arabie saoudite

Les FDR sont l’émanation des janjawids lancés au début du conflit au Darfour en 2002 à l’assaut de villages supposés rebelles. Ces supplétifs issus principalement des tribus arabes nomades en mal de territoires pastoraux des périphéries du Darfour, sont désormais étoffés par des jeunes venus de tout le Sahel. La gestion de ces « soldats de fortune » est confiée à Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemedti », un aventurier lui-même originaire du Darfour et ancien vice-président du CMT (avril-août 2019). Ils sont chargés du contrôle des frontières, donc du racket des migrants, et ont mis la main sur les gisements aurifères du djebel Amir, au nord du Darfour, où opèrent des dizaines des milliers d’orpailleurs venus de toute l’Afrique. Surtout, depuis 2015, entre 8000 et 10000 d’entre eux sur les quelque 60000 dont dispose Hemedti ont été « loués » à l’Arabie saoudite qui les utilise comme chair à canon dans la guerre du Yémen. Ces différentes activités ont fait la fortune de Hemedti, dont les troupes forment une véritable armée, mieux équipée, mieux payée et entraînée que les forces régulières. Grâce à ces soutiens, Hemedti est devenu le personnage le plus puissant de l’échiquier politique soudanais, même s’il se tient derrière le chef de l’État en titre, le général Abdel Fattah al-Burhan, président du Conseil de souveraineté depuis août 2019 (2). Depuis l’instauration de la révolution de salut public en 1989, sous la férule de l’islamiste (Frères musulmans) Hassan al-Tourabi (1932-2016), l’hostilité née de la rivalité pour la direction de l’islam mondial n’a pas varié : le mentor du nouveau régime s’est évertué à faire de Khartoum une rivale de Riyad, accueillant Oussama ben Laden (1957-2011) et Al-Qaïda entre 1991 et 1996, ainsi que, chaque année, une conférence arabo-islamique réunissant les mouvements insurrectionnels islamistes de la planète, pour une démonstration de force – ou de  capacité de nuisance – s’étendant des groupes armés algériens à l’insurrection d’Abou Sayyaf aux Philippines.

Certes, la mise à l’écart de Hassan al-Tourabi après l’attentat contre le président égyptien Hosni Moubarak (1981-2011) en 1995, qui a conduit à mettre le Soudan sur la liste des États soutenant le terrorisme, les attentats contre les ambassades américaines de Dar es-Salam (Tanzanie) et Nairobi (Kenya) en 1998, et la découverte du pétrole au tournant des années 2000, avaient conduit le Soudan à modérer ses positions. Le 11 septembre 2001 avait rapproché Khartoum de Washington, les services spéciaux soudanais (NISS) du général Salah Gosh n’hésitant pas à ouvrir à la CIA leurs dossiers sur les mouvements islamistes ; pour autant, le Soudan avait gardé ses liens étroits avec l’Iran, et surtout avec le Qatar (3), provoquant colère et méfiance en Arabie saoudite. Coopération militaire et sécuritaire avec Téhéran, coopération diplomatique et économique avec Doha se complétaient pour contester la suprématie revendiquée par Riyad de part et d’autre de la péninsule Arabique. Certes, l’Arabie saoudite avait finalement obtenu, à l’issue des « printemps arabes » (4), que le Soudan rejetât son alliance historique avec l’Iran, et rejoignit en 2015 la coalition antihouthistes au Yémen.

Mais les relations furent maintenues avec le Qatar après sa mise sous embargo en mai 2017, et amplifiées par la concession par Khartoum de la remise en état de la rade de Souakin. Ce port abandonné en 1905 au large des côtes du Hedjaz fut depuis le XVIe siècle sous la domination ottomane, le port historique d’embarquement des pèlerins africains vers Djeddah, accès des lieux saints de La Mecque et Médine : un défi de Khartoum à la dynastie des Al-Saoud et à sa suprématie sur l’islam mondial à la fois symbolique par sa résonance en Afrique sahélienne et un rappel de la conquête du Hedjaz par les Al-Saoud en 1925, et par la menace concrète que pouvait représenter l’installation d’une base navale turco-qatarienne en face d’un centre économique névralgique d’Arabie. D’autre part, l’asile fourni aux Frères musulmans égyptiens pourchassés par le régime d’Abdel Fattah al-Sissi après le coup d’État du 30 juin 2013, ainsi que l’aide apportée au Hamas, indisposait l’Égypte et ses alliés, d’Israël au Golfe. L’affaiblissement du régime de Khartoum sur la scène intérieure depuis 2018 avait donc incité Salah Gosh, rentré en grâce à la tête du NISS après une mise à l’écart de près de dix ans, à prendre langue avec Riyad et Abou Dhabi pour parvenir à un rapprochement.

La chute d’Omar al-Béchir, une victoire saoudienne

Au cours de nombreux allers-retours de part et d’autre de la mer Rouge, à la suite du déclenchement de l’insurrection populaire en décembre 2018, Salah Gosh et Hemedti mirent au point avec les Saoudiens l’éviction d’Omar al-Béchir, bouc émissaire parfait de la colère populaire, d’autant que frappé d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), il ternissait l’image du régime à l’étranger (5). Sa chute et la destruction de l’« État profond » islamiste hérité de Hassan al-Tourabi furent menées à bien le 11 avril 2019 par Salah Gosh en personne (6). Pour autant, cette éviction, l’emprisonnement qui suivit et la mise en accusation pour un délit véniel de corruption ne suffirent pas à calmer les attentes de la population, qui réclamait la fin du régime militaire en place depuis 30 ans. Salah Gosh, haï par la foule, étant mis en prison – ou s’étant mis à l’abri en attendant des jours meilleurs ? – , les nouveaux dirigeants du CMT, le général Al-Burhan se rendit à Abou Dhabi et au Caire, et Hemedti rencontra à Djeddah le prince héritier saoudien, Mohamed bin Salman, le 24 mai pour demander des « instructions ». Peu après leur retour éclatèrent les massacres du 3 juin, qui mettaient fin au sit-in face au QG de l’armée à Khartoum, faisant plus de 200 morts et disparus : ayant atteint leurs objectifs de mise à l’écart d’Omar al-Béchir, les forces armées espéraient briser le soulèvement populaire, avec la bénédiction de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Mais, dès le 5 juin, les États-Unis appelèrent le royaume Al-Saoud à cesser d’attiser la violence au Soudan, une prise de position inattendu qui préfigurait le soutien des démocraties occidentales au mouvement de contestation (7).

Après une nouvelle manifestation populaire massive le 30 juin, qui prouvait la capacité d’organisation et la détermination du mouvement populaire, les négociations entre militaires et civils purent reprendre sous l’œil vigilant du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed Ali (depuis 2018), mandé par l’Union africaine (UE) et les États-Unis. L’accord finalisé le 17 août 2019 comporte la nomination d’un Conseil de souveraineté de 11 membres, appelé à diriger le pays durant une période transitoire de trois ans, sous la direction d’Al-Burhan, chef de l’État représentant la caste militaire au pouvoir. Un Premier ministre, Abdallah Hamdok, a été nommé d’un commun accord le 21 août ; il lui a fallu trois semaines pour obtenir l’accord des militaires sur le choix de ses ministres civils : le cabinet compte 18 membres, dont 4 femmes (une est de religion copte), ce qui a été abondamment souligné en Occident et qui a valu le soutien louangeur de la communauté internationale. Mais deux portefeuilles clés, la Défense et l’Intérieur, restant aux mains de militaires. Un partage des tâches qui revient à confier aux civils la gageure de redresser l’économie nationale, avec le risque d’endosser la responsabilité de l’échec, et de susciter frustrations et désarroi de la part de leurs soutiens dans l’opinion publique, tandis que les militaires gardent la haute main sur le pouvoir et sans doute les prébendes qui lui sont liées.

L’engagement saoudo-émirien : alliés ou rivaux ?

Cette victoire apparente et partielle du mouvement de revendication populaire a été avalisé par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis et relégué provisoirement au second plan leur protégé Hemedti. Les deux monarchies se prêtent d’apparemment bonne grâce au rôle qui leur est imparti de donner un ballon d’oxygène financier au Soudan. Les trois milliards de dollars qui avaient été promis à Omar al-Béchir pour calmer la foule seront décaissés pour le redressement de la monnaie nationale (livre soudanaise), et pour la livraison de pétrole et de blé, d’ici à la fin 2028. Le premier objectif de l’Arabie saoudite a été l’élimination des Frères Musulmans qui contestent la légitimité du wahhabisme – sur le plan doctrinal – en particulier le refus du sectarisme anti-chiite en vogue à Riyad – et la mainmise de la dynastie des Al-Saoud depuis un siècle sur les lieux saints de l’islam. Comme nous l’avons déjà souligné, Omar al-Béchir donnait toujours asile aux Frères musulmans pourchassés par le régime militaire égyptien depuis juin 2013, et avait conservé des liens anciens et étroits avec le Qatar et la Turquie, alimentant le soupçon de duplicité. L’épuration de l’armée, mise sous la coupe de commissaires politiques islamistes depuis juin 1989 est désormais engagée. Pour Riyad, la chute du régime militaro-islamiste de Khartoum est donc une revanche longtemps attendue.

Mais l’intervention saoudienne s’explique aussi par le rôle nouveau que joue la mer Rouge dans les projets de Mohamed ben Salman. Celui-ci a décidé de réorienter le développement  de son pays  vers la mer Rouge : dans sa Vision 2030, elle symbolise l’ouverture et l’avenir avec le projet NEOM. Cette cité artificielle vouée aux technologies du futur est censée s’y déployer, sur la route maritime entre l’Extrême-Orient et l’Occident, alors que le Golfe, mer fermée et stérile, est le lieu de la confrontation avec l’Iran, rival inexpiable. Pour contrôler cet axe maritime, l’Arabie saoudite a créé en janvier 2019 l’Organisation des pays riverains de la mer Rouge, à laquelle ont été conviés les concernés – mais ni l’Éthiopie ni les Émirats arabes unis, qui ont pourtant de forts intérêts stratégiques et économiques à y faire valoir. Les Émirats arabes unis jouent dans le dossier soudanais – comme vis-à-vis de l’intervention au Yémen, un rôle apparemment en harmonie avec leur allié saoudien. Mais les buts comme les moyens, sont sensiblement différents, et pourraient même conduite à une opposition plus affichée. Les Émirats Arabes Unis préparent eux aussi l’après-pétrole. Mais leur objectif premier est de contrôler l’accès au continent africain par des points d’appui clés sur les
rivages de part et d’autre du golfe d’Aden. C’est ainsi que les forces supplétives émiraties se sont déjà confrontées aux forces soutenues par Riyad au sud du Yémen, et que leur enjeu immédiat est centré sur les ports donnant accès au massif éthiopien. Ils ne sont que marginalement présents dans la mer Rouge, si ce n’est avec Assab, base-clé de l’intervention au Yémen, mais aussi demain d’accès à l’Éthiopie. Les Émiratis ressentent avec irritation leur exclusion du projet saoudien de la nouvelle organisation pilotée par Riyad, et ils souhaitent éviter de laisser le champ libre à l’Arabie saoudite au Soudan.

Un Soudan stable, un atout dans le nouveau « Scramble for Africa » ?

Le Soudan fut jusqu’en juillet 2011 le plus vaste pays d’Afrique, s’étendant du tropique du Cancer aux lisières de l’équateur : une diversité de climats et de milieux traversée par les cours du Nil Bleu et du Nil Blanc, qui pouvaient faire de cet espace faiblement peuplé un eldorado de développement agricole, en dépit de la sécession du Sud, plus arrosé. De plus les ressources de son sous-sol sont également abondantes (9). Les pays du Golfe ont depuis longtemps compris l’intérêt d’investir dans la « sécurité alimentaire ». L’Arabie saoudite a ainsi investi 13 milliards de dollars dans ce pays exsangue entre 2000 et 2017, selon l’institut Clagendael aux Pays-Bas (10). Dès les années 1980, des banques islamiques ou des magnats, comme Adnan Khashoggi, y avaient déjà obtenu des concessions agricoles de dizaines, voire de centaines de milliers d’hectares. Cet engouement s’est accentué ces dernières années avec l’érection de sept barrages sur les « cataractes » qui barrent le Nil en aval de Khartoum (11). Ces investissements reposent sur la spoliation des terres ancestrales des communautés villageoises ou nomades, et soulèvent donc une opposition déterminée qui freine l’engouement des investisseurs. La mise en place d’un régime stable et moins corrompu à Khartoum pourrait être un facteur de stabilisation de cette ressource, au service du développement soudanais Le sous-sol est une autre source d’intérêt de la part des investisseurs internationaux : le Soudan est le deuxième producteur d’or du continent derrière l’Afrique du Sud, mais ce pactole est entièrement dissipé et ne bénéficie pas au développement du pays (12). D’autres minerais attisent les convoitises, comme le chrome, exploité depuis des décennies, et les terres rares sont dans tous les esprits, en quête de nouveaux gisements pour briser le quasi monopole détenu par la Chine.

Mais l’implication des monarchies du Golfe au Soudan ne peut se comprendre qu’en l’inscrivant dans une perspective plus large : les Émirats arabes unis ont gardé leur vocation ancestrale de puissance maritime : l’occupation du Yémen du Sud et en particulier des ports du Hadramaout et d’Aden, ainsi que de l’île de Socotra, par les forces émiraties, constitue l’ébauche d’un écheveau qui se poursuit sur les côtes somalies et le long de l’océan Indien. La Corne de l’Afrique, de même que le détroit de Bab el-Mandeb, est donc le socle d’une stratégie émiratie qui rejoint la Libye où opère leur champion, le général Khalifa Haftar. Dans cette optique, les Émiratis s’appuient plus sur l’armée régulière soudanaise dans leur engagement au Soudan, que les Saoudiens, qui voient en Hemedti un instrument de lutte efficace contre leurs compétiteurs idéologiques de l’islam militant et au besoin, d’intervention dans toute la bande sahélienne.

Il importe de saisir la particularité du Soudan dans l’ensemble des soulèvements qui embrasent le monde arabe ; si les causes de la révolte de la révolte sont similaires, de la corruption rampante à l’arrogance des dirigeants qui s’appuient sur des divisions d’un autre âge, le soulèvement populaire soudanais se distingue par la maturité de ses acteurs : le Soudan bénéficie en effet d’une expérience ancienne de l’action politique, et de cadres intellectuels et administratifs de valeur. Cette capacité organisationnelle et manœuvrière lui a permis d’articuler la révolte populaire de la jeunesse urbaine avec des revendications structurées, et de surmonter les aléas des différents épisodes qui se sont succédés depuis un an. Ce réalisme et cette compétence sont un gage de succès dans la période de transition qui s’ouvre, avec un soutien affiché des pays occidentaux, et contre les aventures qui pourraient tenter d’autres acteurs du Golfe ou d’ailleurs.

M. Lavergne



Southern Sudan Agreement : A new chance for peace ?
27 février, 2020, 07:33
Classé dans : CRISES ET CONFLITS MONDE ARABE,GEOPOLITIQUE,Sud-Soudan

Last Saturday 22 nd February might prove an historical date for Southern Sudan. In accordance with the peace agreement between President Salva Kiir and his challenger Riek Machar, the latter at last accepted to take again his former position as First vice-president.

But it remains to be seen if this new agreement will settle for good the feud between the two leaders. Their rift broke out suddenly in July 2013, when Salva Kiir expressed his will to go for another mandate as the head of the new State. An all-out civil war followed, Riek Machar considering that he was more fit for the job : Southern Sudan was indeed in a state of shambles, just two years after its much celebrated independence. Visiting the country several times during this period, to support French Doctor’s humanitarian aid programs, I couldn’t be but appalled by the behavior of the former rebel fighters of the Sudan People’s Liberation Army : they were behaving as if the country and its resources were their own property. In contrast to the display of wealth and urban chaos in the capital, Juba, the visits to remote bush hospitals or refugee’s camps showed a complete neglect by the new authorities.

The civil war that erupted in December 2013 was just the result of this irrelevance of the new leadership… and the failure of the United Nations that were tasked to maintain law and order and to set up a proper administration. The civilians’ mass killings and atrocities committed by the two rival groups amounted to 400 000 casualties and to the devastation of entire regions, despite a number of cease-fires which were violated as soon as signed.

Still, Southern Sudan is a country blessed with vast resources of land and water, in addition to oil fields that yield revenues which should be used to respond to the needs of its people in terms of infrastructure and services. But it remains to be seen if goodwill and sincere commitment will prevail, when looked upon the provisions of the recent agreement. While dividing the country into ten federated states, on ethnic lines – which is a recipe for further disputes -, the president Salva Kiir has insisted to keep under his authority the Ruweng region, which entails the major oil resources. Riek Machar may well have been forced to submit, while fearing for his life. Let’s hope that the foreign peace brokers behind this deal will ensure that it will keep its promises…

 Arabic version published in Al Roeya Newspaper (Dubaï) on 28th, February 2020


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