Les tribulations d'un géographe, d'un Orient à l'autre

La situation au Soudan du Sud, dans l’émission Eglises du monde, avec Marc Lavergne, chaîne KTO, le 7 mars 2018

Un 26 minutes de rappel des fondamentaux du conflit qui déchire le Soudan du Sud depuis décembre 2013, et de la responsabilité des acteurs locaux, mais aussi de la communauté internationale…

http://www.ktotv.com/emissions/eclairages/debats-et-actualite/eglises-du-monde

Sur le même sujet, voir le film prémonitoire « Nous venons en amis », de Hubert Sauper, 29è prix de la paix 2014 (64è Berlinale Special), Prix du meilleur documentaire , Festival international de Vienne, Prix spécial du jury 2014 Sundance World Cinema Documentary 2014, DVD Le pacte/Blaq out, avec un supplément « Rencontre avec Marc Lavergne ».

Lire également de Marc Lavergne :

2016 : « La division du Soudan ou l’échec de la paix américaine », in « Les conflits dans le monde. Approche géopolitique », 2ème éd., B. Giblin dir., Armand Colin, Coll.U, chap. 15, pages 221-232 ;

INTERVIEW Au Soudan du Sud, «la paix va être une paix de combattants»
Par Célian Macé(http://www.liberation.fr/auteur/6841-celian-mace) — 2 mai 2016 à 19:11

2013 : La partition du Soudan : fin de partie ou incident de parcours ? in Partition et répartition des espaces. Actualité de l’Afrique Soudan – Corne de l’Afrique“, Aquilon, Revue des internationalistes, n°9, pages 34-41;

2012 : Les Soudans après la sécession du Sud : des lendemains qui déchantent, Questions internationales n°58, La Documentation française, pages 103-111 ;

2012 : « La partition du Soudan : succès, échec ou fatalité ? » et « Le repli ethnique au service du pouvoir », Le magazine de l’Afrique, n° 28, IC Publications, octobre 2012, p.30-36 ;

2011 : « Soudan du Sud, chronique d’une indépendance annoncée », le Monde diplomatique, février 2011

2003 : (avec Fabrice Weissman) « Soudan : à qui profite l’aide humanitaire ? », A l’ombre des guerres justes. L’ordre international cannibale et l’action humanitaire, (F. Weissman dir.), Flammarion, coll. Populations en danger, pages 145-167 ; (versions anglaise et arabe)

1999 : « Sud-Soudan : guerre tribale, Jihad islamique ou genèse de la Nation ? », in La Nation et le territoire. Le territoire, lien ou frontière ?, Joël Bonnemaison, Luc Cambrézy et Laurence Quinty-Bourgeois (dir.) , L’Harmattan, Coll. Géographie et culture, t. 2, pages 51 à 60 ;

 1999 : « De la cuvette du Haut-Nil aux faubourgs de Khartoum : les déplacés du Sud-Soudan », in Déplacés et réfugiés, la mobilité sous la contrainte, Véronique Lassailly-Jacob, Jean-Yves Marchal et André Quesnel (dir.), Editions de l’IRD, Paris , pages 109 à 136 ;

 

 



Muhammad ben Salman, le mirage du changement

Une interview de Marc Lavergne par Antoine Dézert pour « La gazelle »,  » Le journal d’idées et d ‘engagement des étudiants parisiens » , mis en ligne le 6 mars 2018

http://lagazelle.net/muhammad-ben-salman-mirage-changements

 



L’abandon de la population du Darfour, une nouvelle infâmie de l’ONU ?

Et une nouvelle stupidité de l’Europe ? ou l’inverse ? A mettre en relation avec la récente visite de  Le Drian, ministre de l’Afrique, à Khartoum, pour demander l’aide de Béchir pour empêcher les migrants de venir nous embêter. Contre quoi ? Mystère…

Un autre  Breton, Charles Josselin, ministre de la Coopération – c’est à dire de la prédation  de l’Afrique et du détournement des fonds publics français par des entreprises françaises en mal de contrats faciles -, me déclarait il y a une vingtaine d’années en aparté, après une émission sur le jihad dans les monts Nouba : « Ces Soudanais sont musulmans à 70 %, ils ont bien le droit d’avoir un gouvernement musulman ! ». Béchir et Tourabi à l’époque abritaient Ben Laden et tout l’appareil d’Al Qaida, Pasqua dealait Carlos avec les services du régime qui allaient tenter, l’année suivante, d’assassiner Moubarak…

Aujourd’hui on compte sur les mêmes pour sauver la Françafrique, avec toutes nos colonies du Tchad au Mali, bien mal en point avec nos Bat d’Af’ qui campent sur place depuis plus d’un siècle, face à des voyous des sables armés par Khartoum… Trop malins, les Français !

Pour en revenir aux Bretons, anciens colonisés de l’intérieur, je me demande s’il n’y aurait pas un intérêt à relancer la recherche anthropologique sur la dimension tribale de notre engagement africain, de Bolloré à Le Foll et j’en passe… Mais on est là, bien entendu,  très loin de Calais, où s’échouent les rescapés de notre aide au développement.

http://www.rfi.fr/emission/20171111-lavergne-cnrs-deplaces-darfour-renvoyer-condamner-mort

 

 

 



Géopolitique de Dubai et des Emirats Arabes Unis

Ma recension du livre de William Gueraiche, publié chez Arbre bleu, Nacy, 2014, 321 pp.

A lire dans les Cahiers d’EMAM n°29, 2017, sur www.emam.revues.org



Damiette, une ville prospère d’Egypte au péril de la mondialisation

Sous-titre : Ruine des activités productives traditionnelles, et déstructuration sociale sur fond de modernisation technologique, de logiques globales et de retrait de l’Etat.

Un « carnet de terrain » de Marc Lavergne, dans la dernière livraison des Cahiers d’EMAM n°29 2017 pp.183 à 216, une version enrichie de cartes et photos de l’article paru dans Egypte/monde arabe n°14/2016. A lire dans www.emam.revues.org

 



Au sultanat d’Oman, de nouveaux défis pour une fin de règne

Dans la livraison de juillet-août de la revue « Diplomatie » n°87, un article de Marc Lavergne sur la situation et les perspectives  du sultanat d’Oman, pour le 20ème anniversaire de son premier voyage dans ce pays et entre deux visites en mars et en juillet 2017 :

Mascate jouit depuis des décennies d’une réputation enviable, celle d’un pays discret et stable, bénéficiant d’une relative aisance, sous la férule bienveillante d’un despote éclairé : un profil rare dans cette région du monde. Mais à l’image de son souverain affaibli par l’âge et la maladie, cet îlot de paix voit son équilibre mis à l’épreuve, à la fois par l’émergence de difficultés économiques et par les conflits régionaux.

https://www.dropbox.com/s/bewd77wka72jrik/%E2%80%A2D87_Lavergne.pdf?dl=0

 

 



Note de lecture. Alexandre Kazerouni : « Le miroir des cheikhs. musée et politique dans les principautés du golfe Persique »

Note de lecture

Alexandre Kazerouni : « Le miroir des cheikhs. Musée et politique dans les principautés du golfe Persique », coll. Proche-Orient, PUF, 265 pages, 2017

Ce titre1 juxtapose deux thèmes en apparence distincts, la politique muséale et la géopolitique des principautés2 du Golfe, pour en souligner le rapport de causalité. Il donne ainsi à voir deux sujets méconnus : d’abord les enjeux réels de la politique muséale des principautés du Golfe, symbolisée en France par l’implantation du Louvre à Abou Dhabi, et en arrière-plan, la véritable nature du pouvoir en place dans ces principautés et son rapport à la société locale comme au monde extérieur. Cette approche s’appuie sur une longue enquête de terrain, sous forme de nombreux entretiens avec les personnalités qui ont joué ou jouent encore un rôle dans la mise en œuvre de cette politique, mais aussi par la connaissance qu’a l’auteur de la culture et de l’histoire des deux rives du Golfe.

Ce que nous rappelle en premier lieu ce livre, c’est que les principautés arabes de la rive sud du Golfe ne sont pas seulement le produit de la colonisation britannique et de la découverte du pétrole, mais d’une longue histoire, marquée par leur rôle de corridor commercial convoité entre l’Occident et l’Extrême-Orient et de pont entre les deux rives de cette Méditerranée qu’est le golfe Persique, et aussi, sur chaque rive, par le rapport entre l’intérieur et la côte : la géographie tient, aux échelles régionale et locale, une large part dans la gestation de la société golfienne d’aujourd’hui. Ce rappel est d’autant plus utile que la communication des dynasties du Golfe, complaisamment relayée en Occident, tend à schématiser et déformer la réalité historique et humaine de ces sociétés. L’idée étant de masquer que la société est dominée par des pouvoirs autocratiques, souvent d’imposition récente, et qui représentent les intérêts de grandes familles bédouines originaires de l’intérieur de la péninsule arabique. Cette thèse tente de démontrer que ces dynasties demeurent étrangères, sinon hostiles, à la fabrique humaine cosmopolite des ports de la côte où elles ont implanté leur domination.

La politique culturelle est un objet apparemment anodin. On peut l’imaginer déconnectée des préoccupations immédiates imposées par un environnement instable ; mais elle offre en réalité un angle novateur de compréhension de ces dynamiques et de ces enjeux de pouvoir : elle révèle les clivages sous-jacents aux transitions dynastiques, souvent des moments de tension et d’incertitude au sein des familles dirigeantes ; elle apporte aussi des éléments précieux de compréhension des évolutions internes de ces sociétés, dont on a eu un aperçu lors des soulèvements arabes depuis 2011. La répression impitoyable du soulèvement populaire à Bahreïn, les manifestations de la jeunesse d’Oman, et la plongée du Yémen dans un chaos aux multiples acteurs, ont contraint les dirigeants des autres États de la péninsule à adopter des mesures de précaution pour prévenir toute menace sur leur pouvoir.

L’argument central autour duquel s’articule la démonstration est l’opposition entre deux politiques muséales successives et concurrentes, celle des « musées-racines » et celle des « musées-miroirs », qui coexistent désormais sans se rencontrer.

Les « musées-racines » ont eu pour but, selon l’auteur, de mettre en lumière, depuis leur apparition au début du XXème siècle, l’histoire et la société des cités – vouées à devenir des Etats – de la rive sud du Golfe, dans leur diversité historique et humaine. Ils furent à l’origine l’émanation des clubs culturels, à travers lesquels les sociétés marchandes des ports s’ouvrirent aux courants du nationalisme arabe nés de la crise, puis de la désintégration de l’empire ottoman, puis de la mise ous tutelle de l’empire perse. Ces musées étaient – et sont encore, en dépit de leur marginalisation politique – le témoin de cette modernisation, née de la bourgesoie commerçante « éclairée », puis captée par la bureaucratie des entités naissantes soumises à la Couronne britannique. Celle-ci émane de ce « petit peuple des ports », lié avant l’ère pétrolière, à la bourgeoisie commerçante ; les fils de ce petit peuple aurait été captés, à travers l’éducation moderne, par les grandes familles lignagères détentrices du pouvoir politique et formés dans les grands centres culturels et intellectuels du monde arabe, pour fournir les cadres administratifs des émirats modernes. Puis le retournement du marché pétrolier durant les années 80, et les difficultés financières dues à la guerre Iran-Irak, permirent à cette nouvelle classe éduquée de s’émanciper et de revendiquer sa part de l’histoire nationale, et donc du pouvoir.

Les musées-racines seraient le reflet de cette revendication. Ils ne présentent pas d’œuvres valorisées sur le marché de l’art international, mais les travaux et les jours des groupes humains présents de longue date entre rivages et arrière-pays désertique ou montagneux : paysans oasiens, pêcheurs de perles, navigateurs au long cours vers l’Inde ou l’Afrique orientale, commerçants oscillant entre la Perse et l’Arabie, ainsi que Bédouins nomades ou sédentarisés. Ils sont destinés à l’éducation de la population, et visent à renforcer sa cohésion et son ancrage dans son milieu comme dans une histoire partagée3. Ils sont sous la tutelle des ministères de la Culture, gérés par des bureaucrates acquis aux idéaux unificateurs du nationalisme arabe. A titre d’exemple, me revient en mémoire le modeste musée de Ras el Khaimah abrité dans l’ancienne résidence fortifiée des Qawasim, édifiée au XVIIIème siècle. Visité durant les années 90, il présentait les témoignages d’une histoire millénaire, d’un artisanat de bijouterie, d’armurerie, d’ébénisterie et de poterie, remontant au néolithique, au 2ème millénaire avant JC, et faisant appel aux produits de la terre et de la mer, voire de l’outremer et s’achevant symboliquement avec les tableaux représentant l’attaque britannique de 1809.4

A l’opposé, me promenant un soir de 2002 sur la corniche d’Abou Dhabi, je tombai par hasard sur une modeste exposition de folklore, installée sur la plage au pied des imposantes tours de bureaux : ce n’étaient que des tentes éclairées par des lumignons sur le sable de la plage. De rares visiteurs, surtout des mères avec leurs enfants, circulaient d’une tente à l’autre et découvraient de pauvres objets de la vie d’antan, surveillés par les vieillards qui les avaient exhumés pour l’occasion : les viatiques essentiels de la vie nomade, outres, coussins, couvertures, ustensiles de cuisine ou antiques tromblons et leurs poudrières. Un de ces guides bénévoles me montra fièrement son permis de conduire, posé sur un guéridon : il portait le n°7…Quant aux musées du fort Al-Fahidi de Dubaï ou d’Abou Dhabi, ils ne donnent à voir que le dénuement dans lequel vivaient les sociétés bédouines et que décrivait encore Wilfred Thesiger lorsqu’il les découvrit au lendemain de la 2ème guerre mondiale5.

L’auteur rappelle justement que les musées masquent autant qu’ils révèlent. Ces musées-racines sont déjà sélectifs, donnant à voir une image figée et idéalisée de la vie d’antan, détachée de tout contexte historique, et épurée de tout contentieux entre les différents groupes en présence. Le musée de Charjah, aujourd’hui au centre d’une vaste opération de rénovation du centre ancien, dans une perspective d’attraction touristique6, est révélateur : l’émirat y est présenté à travers ses divers territoires, dispersés entre les rives du golfe Persique et du golfe d’Oman ; mais la constitution de cet ensemble disparate et les composantes de son identité ne sont mentionnées nulle part, non plus que l’histoire complexe de l’empire maritime des Qawasim dont il est l’héritier, et dont la base était Ras el-Khaimah, devenu un émirat séparé, dirigé par une autre branche de la famille7.

Les « musées-miroirs », en revanche, ont été créés depuis la dernière décennie du XXème siècle ; ils procèderaient de la volonté des dirigeants de se rapprocher des opinions publiques occidentales, en projetant une image de modernité et d’ouverture. Plus que par l’évolution des cours du brut ou par la révolution khomeiniste en Iran, cette nouvelle politique aurait été déterminée, selon l’auteur, par l’invasion du Koweït en août 1990. Celle-ci a en effet démontré la fragilité de ces dynasties, et la leçon qui en aurait été retenue est que le soutien des opinions publiques occidentales était indispensable à leur sécurité, par-delà le soutien des milieux pétroliers, des marchands d’armes et des dirigeants politiques. Les musées-miroirs seraient donc l’expression d’un soft power ciblé en direction des milieux de la culture et des leaders d’opinion en Occident : ils permettent la promotion du mythe d’une société du Golfe dirigée par des « despotes éclairés », participant activement à une culture de paix et d’échange à l’échelle planétaire.

Les musées-miroirs seraient ainsi plus importants par la publicité qui leur est faite, par le choix de leurs architectes, tous de renommée internationale, que par leurs collections, leur fréquentation ou leur réalisation même. La plupart des projets ont pris du retard, ou restent à l’état d’épures, bien qu’ils mobilisent les meilleures équipes de conservateurs et de promoteurs occidentaux. Ils sont volontairement déconnectés de l’administration et de la culture du pays d’accueil, et n’ont pour interlocuteurs locaux que des membres éminents des familles régnantes, incompétents mais omniprésents, dans une démarche de personnalisation de la direction politique de ces Etats. Le propos de ces projets ne serait donc pas de fournir à la population locale, ou même aux touristes, un accès à une production culturelle contemporaine, mais d’être un objet d’étonnement et d’admiration à l’étranger, et de façon annexe, de placer le Golfe sur un marché de l’art mondialisé, occupant une niche à mi-chemin des places d’Extrême-Orient et d’Occident.

Les musées-miroirs sont ainsi l’enjeu de tractations et de compromis entre les attentes des initiateurs occidentaux de ces musées et celles de leurs bailleurs du Golfe8. Du côté occidental, l’auteur évoque les positions divergentes des tenants de musées « universels » visant à présenter l’art moderne international, de celles qui visent à faire de ces musées des vitrines de la relation idéalisée entre Orient et Occident9. Mais il ne se limite pas à cette analyse d’ensemble : il décline les politiques propres à chaque dynastie régnante, issues de grandes familles bédouines de l’intérieur de la péninsule. Il consacre ainsi un développement justifié au Musée d’art islamique de Doha, qui constitue un cas à part dans cette catégorie, puisqu’il ambitionne de répondre à un objectif particulier : celui de jouer, comme me l’avait confié Cheikh Hassan bin Muhammad al Thani, lors d’une précédente visite en 2010, un rôle historique comparable à celui des Abbassides, grâce auxquels avait été conservé et transmis le patrimoine scientifique et culturel de l’antiquité hellénistique, mais cette fois-ci à l’égard du patrimoine arabo-musulman. Comme dans d’autres domaines comme la télévision avec la chaîne Al-Jezira, le souci propre du Qatar est de justifier son existence aux côtés et à l’encontre de l’Arabie saoudite. Mais d’une manière plus générale, toutes ces familles régnantes, cramponnées à une légitimité fondée sur le lignage, cherchent à resserrer leur emprise sur leurs peuples, qui pourraient être tentés par une évolution démocratique. Elles visent donc à renforcer leur alliance/allégeance avec leurs protecteurs occidentaux, qui peuvent également faire contrepoids à l’ombre portée de l’Arabie Saoudite et de l’Iran, qui plane toujours sur ces micro-Etats.

Dubaï avait pris le relais de Koweït, après l’invasion de cet émirat, comme pionnière de l’ouverture du Golfe à l’environnement régional et international. Elle est devenue une ville-événement, icône planétaire de la mondialisation économique et de la civilisation des loisirs, reléguant dans l’ombre l’austère Abou Dhabi. L’auteur explique en quoi la crise financière de 2008 a renversé la donne et en quoi ce renversement du rapport de force entre ces deux émirats a influé sur la nouvelle politique muséale d’Abou Dhabi. Aux côtés d’autres objets emblématiques comme la Grande mosquée Cheikh Zayed, le circuit Ferrari ou la Cité écologique Masdar, les musées en projet (Louvre, mais aussi Guggenheim et British Museum) participent de la nouvelle affirmation internationale du soft power d’Abou Dhabi. On peut ainsi distinguer les politiques plus affirmées du Qatar et d’Abou Dhabi de celles de Dubai et des émirats du Nord, tandis que le duel entre Doha et Riyadh fait le pendant, en plus brutal, de celui qui oppose Dubaï et Abou Dhabi. Une visite récente (février 2017) au musée d’art islamique de Doha corrobore les observations de l’auteur : ce musée appartient décidément au groupe des musées-miroirs ; mais l’art islamique présenté n’a d’une part d’islamique que le lieu d’origine des artefacts présentés (pour l’essentiel extérieurs au monde arabe, s’agissant majoritairement de la Perse, de l’Asie centrale et de l’Inde moghole), et d’autre part, lorsqu’il s’agit d’objets à caractère religieux, ils émanent souvent de sociétés chiites, alors que l’émirat est souvent présenté comme un héraut de l’islam sunnite le plus rigoriste, ce qui peut être interprété comme un défi à l’Arabie Saoudite voisine. Cette opposition constante, et naguère armée, entre Doha et Riyadh se conjugue toutefois avec celle qui sépare les tenants d’une identité « golfienne », celle des émirs au pouvoir, descendants de lignées bédouines prestigieuses issues du cœur du désert, et les tenants d’une adhésion au nationalisme arabe plus large et plus progressiste, issus du « petit peuple des ports ». Selon l’auteur, ces deux acceptions du nationalisme, ces deux visions du destin de ces sociétés coexistent en s’ignorant, à travers ces deux politiques muséales. Une coexistence qui serait permise par la rente pétrolière finançant l’entretien de deux systèmes de fonctionnement de l’Etat : un équilibre que l’on est en droit de considérer comme instable, tant il recèle d’incohérences et de contradictions…

Ce livre, écrit dans le style matter of fact d’une enquête nourrie de nombreux entretiens avec les personnalités impliquées dans la politique culturelle, sur place et en Occident, présente donc un double intérêt : sur le fond, il offre une nouvelle entrée, féconde, à la réflexion sur la question du pouvoir dans des sociétés opaques au regard des observateurs extérieurs ; il permet ainsi d’aller au-delà des considérations d’enjeu géopolitique global ou régional, de réalisations urbanistiques ou de succès économiques qui ont jusqu’à présent mobilisé l’attention, admirative ou critique, en Occident, et pourrait être élargi à d’autres objets, très médiatisés comme le sport, ou plus discrets comme la finance, dans lesquels s’inscrit la relation entre la région du Golfe et l’Occident. Il fourmille en outre d’informations précieuses et parfois inédites sur le fonctionnement de ces sociétés, hier et aujourd’hui. Mais il laisse volontairement de côté la part de la société du Golfe qui demeure extérieure car de nationalité étrangère, à ces manœuvres, tandis que demeure sans réponse la question de l’étrange absence d’intervention sous ces latitudes et sur ces défis, des acteurs politiques violents comme Al-Qaïda ou l’ « Etat islamique »…

1 La thèse qui a fourni la matière de cet ouvrage s’intitule « Le miroir des cheikhs. Musée et patrimonialisme dans les principautés arabes du golfe Persique », thèse de science politique, Paris, Institut d’études politiques, 2013, 2 vol., 1124 pages, sous la direction de Gilles Kepel ;

2Même si certains s’intitulent plus sobrement Etats (« dawla ») et si le Bahreïn est devenu officiellement un royaume, l’auteur estime à juste titre que ces différents territoires peuvent être considérés comme les domaines privés de familles princières, à l’origine des chefs de tribus promus par l’intervention britannique dans la région au début du XIXème siècle.

3Voir la série de cartes postales en annexe, collectées sur place à la fin des années 90.

4Voir la reproduction de la brochure du musée et de la carte postale figurant l’attaque de 1809.

5Wilfred Thesiger : Le désert des déserts, Coll. Terre humaine, Plon, 1978, 463 pages.

6Entreprise aux perspectives limitées à un tourisme musulman, dans la mesure où l’alcool est prohibé à Charjah, qui se veut ainsi un conservatoire des traditions et des normes islamiques, accolé à Dubai cosmopolite et « dévoyée ».

7Voir photos du chantier de rénovation du souk, de construction d’un hôtel moderne (Al Baït), de la Crique et de la mosquée chiite de Charjah sur le front de mer, ainsi que du musée de Charjah en PJ en mars 2017.

8 Cet ouvrage dévoile aussi l’engagement de plusieurs catégories d’acteurs du côté occidental, qui deviennent les « clients » et les serviteurs des dirigeants des États arabes du Golfe : d’abord les architectes et les concepteurs de la politique muséale, ensuite les personnalités politiques, les hauts fonctionnaires et les conservateurs des musées, dont il évoque les implications complexes. Celles-ci aboutissent souvent à un primat des intérêts personnels sur celui de la nation. Cette relation marque aussi un renversement du rapport entre le « Centre » et la « périphérie » du monde, et jette le doute sur les capacités de la France et de ses rivaux anglo-saxons, à continuer à jouer un rôle autonome dans les affaires du monde.

9 Se reporter à l’exposé des motifs du Louvre Abou Dhabi sur le site officiel : http://www.louvre.fr/louvre-abu-dhabi



Stand Up de l’humanitaire à l’IRIS le 11/5/17
L’Observatoire des questions humanitaires de l’IRIS, a le plaisir de vous inviter à son 12e Stand Up de l’Humanitaire : 15 minutes de présentation pour 1h15 de débat afin de réfléchir ensemble, hors des sentiers battus et rebattus, à l’avenir de l’humanitaire.
  
« LES ONG HUMANITAIRES
EN VOIE D’EXTINCTION ? »
     
Avec la participation d’Éric BERSETH, directeur de Philanthropy Advisors et Vincent TAILLANDIER, consultant indépendant, ancien directeur d’opérations à Action Contre la Faim. Le débat sera lancé et animé par Michel MAIETTA, directeur de recherche à l’IRIS.
Jeudi 11 mai 2017, 18h30-20h30
Espace de conférences de l’IRIS *
Mon point de vue :
D’un côté les humanitaires aux dents longues, qui vous  parlent de start up, de parts de marché, de nouvelles technologies, de partenariat public-privé, de fondations d’entreprises, de jeunes loups contre les vieilles barbes, de pragmatiques contre idéalistes ; ça, c’est E. Berseth, avec son Philanthropy Advisors, qui dit tout : un nom anglais pour faire dynamique et mondialisé, un concept anglo-saxon qui recycle la charité chrétienne dans le business capitaliste  ( le modèle assumé est Bill Gates, l’empereur de la pierre philosophale) ; de l’autre, dans le rôle du punching ball has been, Bénédicte Hermelin, la « patronne » de Coordination SUD, droit dans ses bottes, défendant vaille que vaille l’humanisme, le devoir de solidarité et l’aide au développement. Et au milieu, Vincent Taillandier qui prédit la fin du modèle ONG face au défi des nouvelles technologies qui vont rapprocher donateurs et récipiendaires, et qui vont fracasser le modèle vertical des ONG mastodontes. En fait, ce fut un débat politique sans le dire, où il n’y pas grand chose en commun entre les différentes visions, sinon une illusion collective, et peut-être pas si naïve, sur l’efficacité et  même l’utilité, de l’action humanitaire. Une efficacité qui reste à évaluer dans l’absolu, comme en relation coût/résultats, mais qui est évidemment marginale et ponctuelle, quand elle n’est pas négative, dans tous les cas de figure : théâtres de conflits, bien sûr, mais aussi catastrophes naturelles. Derrière la passion des agences de l’ONU et des ONG pour les chiffres, les statistiques, les courbes, il n’y a qu’une obsession : l’argent, à tout prix et sous les prétextes, dans une guerre permanente et sans merci  pour l’accès aux ressources, mais une grande pudeur sur les résultats du point de vue des « bénéficiaires »…


Soirée-débat sur l’Egypte de Sissi Toulon 28 janvier 2017

Avec projection du film d'Anna Roussillon "Je suis le peuple'"



7 ème Congrès du Fatah, Ramallah, 28-30 novembre 2016

A la télévision palestinienne

 

Ci-joint le lien vers les interventions des délégués étrangers…

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=1307195506017107&id=132091353527534

 

 


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