Les tribulations d'un géographe, d'un Orient à l'autre

Vient de paraître : « La mer Rouge, convoitises et réalités sur un espace stratégique »

file:///C:/Users/M A R C/Downloads/FDP – LA MER ROUGE CONVOITISES ET RIVALITÉS SUR UN ESPACE STRATÉGIQUE-1-1.pdf

Ouvrage collectif sous la direction de Marc Lavergne et David Rigoulet-Roze

Collection Orients stratégiques, éditions L’harmattan

Parution : le 23/11/22
Format : 15,5 x 24 cm
250 pages
ISBN : 978-2-14-031008-9
26 €

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Cité futuriste NEOM d’Arabie Séoudite, grand barrage éthiopien de la Renaissance, aménagements touristiques et industriels des golfes d’Aqaba et de Suez, ruées vers l’or du Soudan et exploitation pétrolière offshore, font de la mer Rouge, au-delà de son rôle irremplaçable pour le commerce international, un objet de convoitise et de projection pour ses riverains, ses voisins et les puissances globales. Ces projets engendrent également
des préoccupations sécuritaires liées à la piraterie et au terrorisme. Et le « jeu de go »des bases militaires rivales n’évite pas les effroyables conflits qui déchirent le Yémen et l’Éthiopie. L’Alliance d’Abraham autour d’Israël, promu au rang de protecteur régional, suscite le soulagement des dirigeants. Mais le « Grand jeu » régional persiste dans la rivalité entre les protecteurs historiques et des concurrents de rang global – Chine et Russie – mais aussi régional – Iran et Turquie. Une quinzaine des meilleurs spécialistes, familiers ou originaires de la région, sont ici réunis pour livrer un éclairage renouvelé sur les nombreux défis auxquels cet axe névralgique est confronté.

Ont contribué à cet ouvrage :
Louis Blin, Marc Lavergne, Roland Lombardi, Alaa Al- Din Arafat, Laurent Amelot, Selma el Obeid, Bezunesh Tamru, Amina Saïd Chiré, Aden Omar Abdillahi, Didier Billion, Joséphine Dedet, David Rigoulet-Roze.

 



En Afrique, la Russie mène une guerre « pas contre des ennemis, mais pour s’implanter »

https://information.tv5monde.com/info/en-afrique-la-russie-mene-une-guerre-pas-contre-des-ennemis-mais-pour-s-implanter-448283

Marc Lavergne, propos recueillis par Alicia Mihami, TV5 Monde,  13 mars 2022

 

Vladimir Poutine et Teodoro Obiang, président de la Guinée équatoriale le 24 octobre 2019 lors du sommet Afrique-Russie à Sotchi, en Russie. 
Vladimir Poutine et Teodoro Obiang, président de la Guinée équatoriale le 24 octobre 2019 lors du sommet Afrique-Russie à Sotchi, en Russie.
Valery Sharifulin / AP
11 mar 2022
Mise à jour 11.03.2022 à 20:16

En Afrique, la Russie mène une guerre « pas contre des ennemis, mais pour s’implanter »

par Alicia Mihami

Base militaire, vente d’armes, présence de mercenaires… Depuis quelques années, la Russie s’applique à étendre sa présence sur le continent africain.

Marc Lavergne, directeur émérite de recherches au CNRS et spécialiste de la Corne de l’Afrique décrypte cette politique d’influence qui devrait s’intensifier dans les prochaines années.

TV5MONDE : l’influence soviétique en Afrique ne date pas d’hier. Comment s’est-elle formée initialement ?Marc Lavergne, directeur émérite de recherches au CNRS : Tout simplement parce que le monde était partagé en deux, et les pays qui luttaient pour leur indépendance à l’époque ont été soutenus par l’Union soviétique. C’est le cas notamment des anciennes colonies portugaises, qui n’ont été libérées qu’après la révolution des Oeillets : l’Angola, le Mozambique, la Guinée Bissau…

Il y a de nouveau un « scramble for Africa », c’est-à-dire une compétition de grandes puissances pour avoir accès aux ressources de l’Afrique.

Tous ces pays étaient soutenus par le bloc de l’Est, pas seulement l’Union soviétique, dans une logique bloc de l’Est contre bloc de l’Ouest de part et d’autre du rideau de fer. Et ce soutien a duré jusqu’à la chute de l’URSS, en 1991.

TV5MONDE : comment la Russie reconstruit-elle cette influence aujourd’hui ? 

Marc Lavergne : Elle le fait sous un angle un peu différent. Il y a de nouveau un « scramble for Africa », c’est-à-dire une compétition de grandes puissances pour avoir accès aux ressources de l’Afrique. Et il ne faut pas oublier que la Russie est dirigée par des oligarques, qui cherchent à accéder à des matières premières (or, diamant etc.), parce que le pays n’a pas l’infrastructure industrielle pour exploiter des mines et transformer des minerais par exemple.

(Re)lire : sur la piste des oligarques russes

Mais la Russie opère dans une logique très différente de celle des autres grandes puissances. Il n’y a pas ce qu’on peut voir avec la Chine, qui cherche des matières premières, mais veut aussi vendre et fabriquer des objets sur le continent. La stratégie russe est aussi différente de celles des vieilles puissances coloniales comme la France, qui essaie de garder une influence politique, économique… Ce que la Russie cherche en Afrique relève plutôt du politique. C’est là qu’interviennent des entités comme le groupe Wagner.

(Re)lire : invasion russe de l’Ukraine : quelles sont les règles de la guerre et ont-elles été enfreintes ?

Ce faux-nez de l’armée russe recrute des mercenaires, encadrés par des membres du FSB ou des officiers à la retraite, et ces mercenaires sont autorisés à se payer sur la bête. Wagner, c’est la guerre bon marché, sous les radars, où la Russie s’affranchit de toutes les règles de la guerre, de la convention de Genève.

Wagner, c’est la guerre bon marché, sous les radars, où la Russie s’affranchit de toutes les règles

C’est une guerre non pas contre des ennemis, mais pour s’implanter dans des pays où la Russie n’a pas la possibilité de déployer des réseaux commerciaux. C’est le cas par exemple de la Centrafrique, où le président Faustin-Archange Touadéra ne peut compter sur personne dans son propre pays pour le protéger. Avec Wagner, la Russie sait rendre ce genre de service.


TV5MONDE : avoir de l’influence en Centrafrique est un enjeu important pour la Russie ? Marc Lavergne : Je crois que la Centrafrique est en première ligne. C’est un pays qui permettrait à la Russie de rayonner tout autour, aussi bien vers la République démocratique du Congo que vers l’Afrique de l’Est ou de l’Ouest… C’est une position stratégique, avec de de l’uranium, des diamants, c’est-à-dire des matériaux qui sont faciles à exporter. C’est aussi un pays extrêmement mal géré, sans infrastructures, avec une population inégalement répartie sur le territoire et désunie. C’est donc une implantation facile pour la Russie, particulièrement après l’échec de Sangaris et de la Minusca. Les Russes ont compris qu’il y avait là un ventre mou, et ils se sont installés à la place de la communauté internationale, discrètement.

(Re)voir : qui sont ces mercenaires du groupe russe Wagner ?

  De là, ils se sont implantés en Libye, puis ils ont déployé Wagner au Darfour, où ils oeuvrent avec Mohamed Hamdan Dogolo, chef des milices locales, qui exploite clandestinement des mines d’or, fait du trafic de migrants, de la contrebande, et qui est devenu l’homme fort de Khartoum aujourd’hui.

TV5MONDE : l’implantation d’une base militaire au Soudan est-elle la prochaine étape de l’expansion russe en Afrique ? 

Marc Lavergne : Dès qu’on parle de base militaire ou navale, il y a des crispations. Mais même si la Russie n’est pas nouvelle sur la Mer Rouge, tout le monde ne soutient pas ce projet. L’Égypte est inquiète de voir la Russie s’implanter au Soudan, idem pour l’Arabie saoudite, en face. Même le Soudan n’est pas forcément pour accueillir cette base, parce que le pays est tout de même dans la main des Américains. Mais comme les bases militaires françaises au Qatar, ou à Abu Dhabi, personne ne compte dessus, c’est juste symbolique.

TV5MONDE : que peut-on attendre de la Russie pour la suite alors ? 

Marc Lavergne : Je pense que la Russie va tenter d’accélérer son implantation, car il y a des places à prendre, notamment parce qu’il y a un rejet des vieilles puissances comme la France. Mais aujourd’hui, je vois un capitalisme africain qui se développe à vitesse grand V et beaucoup des anciens dirigeants qui sont en train de disparaître, au Gabon, au Cameroun…

« La Russie aura du mal à s’établir comme une puissance industrielle pouvant offrir des choses adaptées aux besoins des Africains »

Il y a une nouvelle génération, qui va ouvrir les portes de l’Afrique en grand. Aux Russes ? Pourquoi pas, à condition que les Russes aient quelque chose à proposer. À mon sens, la Russie aura du mal à s’établir comme une puissance industrielle pouvant offrir des choses adaptées aux besoins des Africains, et elle n’a pas la même culture commerciale que la Chine. Elle risque donc de se trouver face à ses propres limites.



La mer Rouge, de la ligne de faille au champ de bataille
16 janvier, 2022, 18:58
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https://www.pressreader.com/france/les-grands-dossiers-de-diplomatie/20210201/282411287030197

 

La mer Rouge, de la ligne de faille au champ de bataille

Marc Lavergne

La perception des enjeux géostratégiques autour de la mer Rouge semble avoir évolué de façon radicale et parfois inattendue, au cours des deux années écoulées.

L’intérêt porté à la mer Rouge1 reposait alors sur des inquiétudes concernant la sécurité du commerce maritime international, et en particulier du trafic entre l’Asie et l’Europe qui emprunte ce long corridor. Le golfe d’Aden qui y donne accès au sud avait été le théâtre, au tournant des années 2000, d’une flambée de piraterie « moderne », mise en œuvre depuis les côtes de Somalie. La lutte contre cette piraterie avait entraîné l’implantation, sur le territoire de la république de Djibouti, de centres de contrôle et de lutte contre ces menaces, par les puissances maritimes soucieuses de la protection de leurs flottes marchandes.

La fin de cette phase avait précédé d’une quinzaine d’années le déclenchement d’une guerre d’une extrême violence au Yémen, à l’issue du « Printemps arabe » .

Aujourd’hui, la stabilité et la sécurité de la région ont pris une tournure différente : de nouveaux conflits apparaissent, qui reflètent l’instabilité structurelle de la région. Mais la mer Rouge elle-même en tant que voie de passage vital pour l’économie mondiale, voit son rôle remis en question.

Le feu roulant de l’actualité doit ainsi être mis en regard des perspectives à plus long terme : avec ses attentats, ces ruptures et ses réconciliations, il n’est parfois que l’expression de séquelles dépassées ou qu’indice de réajustements, de recherche de points d’équilibre, souvent douloureux, des sociétés et des Etats de la région. D’autres encore relèvent d’une évolution de rapports de force et de centres de gravité à l’échelle globale.

La mer Rouge, une artère au monopole menacé

La stratégie des routes de la Soie, qui a pu un temps n’apparaître que comme un slogan « fourre-tout », prend parfois des tours inattendus. Mais sa concrétisation menace indiscutablement le rôle de la mer Rouge dans le trafic de marchandises entre l’Extrême Orient et l’Europe :

- la voie maritime de l’Arctique offre un gain de temps d’une semaine ou plus, et donc de carburant, et sa croissance qui bénéficie du réchauffement climatique, est exponentielle. En outre, elle est plus sûre que la mer Rouge, car ses rivages sont contrôlés par la Russie, et les pirates n’y disposeraient pas de bases de repli…

- les nouveaux axes ferroviaires et routiers offrent d ‘autres alternatives, du Sinkiang vers l’Asie centrale et la Russie, ou vers la Turquie au-delà de la Caspienne, même si leur tracé peut provoquer des résistances ou des conflits (Haut Karabagh, Kirghizstan) et bien sûr Sinkiang.

- une voie mixte, terrestre et maritime, avait été la première mise en exergue : elle a pour pivot le port pakistanais de Gwadar sur le golfe d’Oman, après avoir emprunté la vallée de l’Indus depuis le Pamir, avant de rejoindre l’océan Indien et la mer Rouge. Mais sa construction est entravée par des troubles internes (dont elle est en partie à l’origine), en particulier dans la province du Baloutchistan, frontalière de l’Iran. Elle est d’autre part vulnérable au conflit indo-pakistanais au Cachemire et aux tensions sino-indiennes (à moins qu’elle n’en soit, au moins pour partie, la cause…).

Du canal de Suez au projet NEOM, des révisions douloureuses ?

- Le doublement et l’élargissement du canal de Suez, menés tambour battant par le « maréchal » Al Sissi, dès son arrivée au pouvoir2, anticipaient une hausse de la demande du transit et des perspectives de valorisation du site par l’implantation de zones franches industrielles3. Le trafic a en effet augmenté, mais les projets de développement d’activités se fait attendre : la faute sans doute au ralentissement de l’économie mondiale, mais aussi à la situation sécuritaire au Sinaï et à la prudence des investisseurs vis-à-vis de la gouvernance égyptienne, et au manque de compétitivité de la main d’œuvre locale.

Quant au sud du Sinaï, les projets d’infrastructure et de rapprochement entre l’Égypte et l’Arabie saoudite, comme la construction d’un pont maritime par les îles Tiran et Sanafir, sont au point mort, tandis que de façon plus conjoncturelle, l’activité touristique y est réduite par la crise économique et par la pandémie, comme sur la rive égyptienne de la mer Rouge.

- Sur la rive saoudienne, le projet futuriste de la cité NEOM, vouée aux loisirs et à l’intelligence artificielle, colonne vertébrale de la Vision 2030 du prince héritier MBS pour préparer l’après-pétrole, a été impacté par la chute des cours du brut. Il semble aujourd’hui réorienté dans deux directions : la mise en avant d’Al-Ula, cité nabatéenne hier vouée à l’opprobre car préislamique, érigée en « parc d’attraction » du type « Disneyland », tandis qu’un nouveau projet de ville futuriste, « The Line », est lancé4.

Cette fuite en avant est-elle autre chose qu’un masque de l’échec annoncé de NEOM ? La situation économique et financière de l’Arabie est aujourd’hui préoccupante : la baisse structurelle du cours du brut tout comme la ruineuse et stérile guerre du Yémen, déséquilibre les finances. Certes, le budget saoudien peut être abondé par les recettes de la privatisation partielle du géant pétrolier ARAMCO. Il est en outre douteux que la localisation de ces sites sur les rives de la mer Rouge, loin des champs pétroliers comme des Lieux saints de l’Islam, suffise à attirer les cerveaux et les stars du monde entier, en quête d’une Silicon volley ou d’un Dubaï bis.

Or la jeunesse saoudienne, peu formée, doit impérativement trouver des emplois à sa portée. Si le pouvoir saoudien perd sa capacité à redistribuer une manne pétrolière en chute libre, et ne réduit pas ses dépenses, en particulier d’armement, il est possible que sa légitimité soit remise en cause : la question posée en filigrane est : quand et comment cette Arabie cessera-t-elle d’être « saoudienne » ?

La volonté du pouvoir saoudien de décentrer le centre de gravité économique du pays des rives du Golfe à celles de la mer Rouge, à la fois pour anticiper le recul de l’activité pétrolière, pour tourner le dos à l’Iran chiite et pour s’affranchir des contraintes d’une mer fermée, est de plus mise à mal. Les attaques navales ou aériennes qui frappent ses navires ou ses installations en mer Rouge, comme la spectaculaire attaque de drones du 14 septembre 2019, sur fond de guerre au Yémen, contre les installations pétrolières d’Abqaiq et de Khuwais5, illustrent l’inanité de ces efforts.

Jeu de go au centre de la mer Rouge

En face du Hedjaz, source de légitimité du « Gardien des deux Lieux Saints » de l’Islam, l’éviction de l’implantation turco-qatarienne à Souakin, sur le rivage soudanais, a été obtenue en échange du soutien financier de l’Arabie Saoudite à la chute d’Omar el Béchir. Cette diplomatie du portefeuille a certes évité à Riyadh que le Président turc ne vînt rappeler la domination de l’empire ottoman sur ces rivages, du début du 16è au début du 20è siècle. Mais l’histoire ne s’efface pas si vite surtout lorsqu’elle est ancrée dans une légitimité religieuse : or le wahhabisme n’a été imposé que par la force des armes sur le Hedjaz et les autres périphéries du royaume…

Le récent accord entre la Russie et le Soudan pour l’utilisation durant 25 ans de facilités à Port Soudan6 est porteur lui aussi d’ une grande importance symbolique. C’est pour le maître du Kremlin la poursuite de la vieille stratégie d’accès aux mers chaudes, de Catherine II. Dernier maillon en date après la conquête de la Crimée et des rivages de la mer d’Azov, l’implantation à Tartous sur la Méditerranée en Syrie, la politique de bon voisinage et d’alliance avec le maréchal Sissi, tant sur le canal de Suez qu’en Libye. Mais cet accord n’a aucune portée politique : comme celui signé par le Soudan avec Donald Trump sur la reconnaissance de l’Etat d’Israël, il a été obtenu d’un pays étranglé financièrement. Il peut en revanche laisser supposer soit un signe de la volonté russe d’apparaître comme un protecteur alternatif de l’Arabie en cas de retrait américain, soit un élément de vigilance face à La Mecque et aux foyers de mobilisation de l’islam, considérés par le Kremlin comme une menace au sein de l’ »empire » russe.

Du Yémen à la Corne, une histoire qui s’accélère

Les évolutions sur les rives septentrionales et centrales de la mer Rouge suivent le rythme des évolutions technologiques et économiques planétaires. Le contraste est patent avec celles qui concernent les abords méridionaux, objets de convoitises à long terme, mais qui se déclinent au rythme de l’actualité immédiate7.

Un (des ?) Yémen(s) à ( re)construire

Sur la rive yéménite du détroit de Bab el Mandeb, la guerre de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis contre la « rébellion » houthiste semble perdue : elle l’est sur le terrain comme dans les esprits8. Elle laisse derrière elle entière la question du devenir de l’Etat et du peuple yéménites, lequel aspirait à un tout autre changement, lors du Printemps arabe de Sanaa. Elle laisse aussi ouverte la question des ambitions et des compétences des deux dirigeants le plus directement impliqués, MBS et MBZ : ceux-ci ont entraîné dans leur aventure une coalition de 34 pays, dont la France9. Elle laisse enfin, sans doute, place à des récriminations entre les perdants, saoudiens et émiriens, dont les objectifs et les moyens ont notoirement divergé : une alliance dont les Yéménites ont fait les frais, et qui leur laisse la tâche de reconstruire un pays et une nation. Un apaisement, avec des vaincus donc, mais sans vainqueurs – à part l’Iran, qui n’avait rien demandé.

La première question qui vient à l’esprit est : comment se partagera le territoire ?10 Question la plus évidente, sur la carte, mais pas la plus importante: ce qui compte par-dessus tout, dans cette société tribale, ce sont les liens entre tribus, confédérations, clans, et ces nouveaux acteurs que sont les milices claniques ou « islamistes », disponibles pour tous les combats et toutes les prédations.

Le cœur de la montagne, avec la capitale historique et sans doute Tarez, son cœur commerçant, demeurera comme sous le contrôle des houthistes, qui ont assis leur légalité sur la communauté zaydite. La plaine côtière de la Tihama, avec le poumon maritime de Hodeidah, demeurera-elle la fenêtre de la montagne sur la mer, comme Massaouah l’est pour Asmara, sur la rive d’en face ? Ces interfaces entre la mer et la montagne ont de tout temps dépendu soit de puissances extérieures comme l’empire ottoman, soit d’un pouvoir central fort…

Au Sud, la résurrection du Yémen du Sud paraît hors d’atteinte, et peut-être peu souhaitable, compte tenu de la diversité humaine et géographique de ce vaste territoire.

Abou Dhabi rêve de faire d’Aden, en prévision de l’après-pétrole, le port en eau profonde et libre qui remplacerait celui du Djebel Ali : celui-ci est à la fois le socle de la puissance de Dubaï, et enfermé dans le Golfe par le détroit d’Ormuz. Or depuis la crise des subprimes de 2008, Abou Dhabi n’a de cesse de rogner les ailes de Dubaï, dont le dynamisme lui a trop longtemps fait de l’ombre. L’après-pétrole est donc la hantise des dirigeants d’Abou Dhabi comme des Saoudiens, bien plus que celle de Dubaï, héritiere de siècles de commerce maritime au long cours.

Peut-être la solution serait-elle de faire de la porte de la mer Rouge un port franc, comme Tanger le fut au XXè siècle sur le détroit de Gibraltar ? Ce hub desservirait ainsi les ports de la rive somalienne du golfe d’Aden que les Émirats sont en train d’équiper avec en arrire-plan les hauts plateaux d’Abyssinie et leurs 100 millions d’habitants…

Au large, l’île yéménite de Socotra est l’objet de beaucoup d’enjeux et de fantasmes.: c’est certes l’entrée de la mer Rouge, même si elle n’a jamais été utilisée comme telle. Les Émirats ont donc fait main basse sur l’île11, mais les Saoudiens tentent d’y maintenir une présence, et Israël y prendrait pied aux côtés de ces nouveaux alliés12. La volonté des habitants est peu sollicitée, même si les Émirats leur ont fait miroiter leur citoyenneté et ses nombreux avantages. Mais l’île pourrait plus logiquement rester liée à Aden dont elle est un avant-poste.

Si la guerre du Yémen s’épuise, sur fond de désolation, et si son regain appellera d’intenses efforts de reconstruction, ce sont les vertus des vieilles lois tribales qui permettront la réconciliation, une fois que les acteurs extérieurs leur auront rendu les clés13 ; c’est ainsi également que les groupes terroristes en quête de havres pourront être réduits à merci.

Corne de l’Afrique : l’heure de vérité ?

En revanche, c’est désormais sur la rive africaine du détroit de Bab el Mandeb que se portent – ou devraient se porter – les préoccupations14. En l’espace de quelques mois, l’enthousiasme provoqué par l’arrivée au pouvoir à Addis Abeba d’un premier ministre conciliateur, Abyi Ahmed Ali, suivie de la réconciliation avec le maître d’Asmara, s’est estompé. Si le bras de fer avec l’Égypte et le Soudan autour du Grand barrage de la Renaissance a été contenu dans un cadre diplomatique, en évitant des débordements démagogiques, le défi tigréen a plongé l’Éthiopie dans une aventure délétère15. Le bourbier sanglant qu’est devenu la prétendue « opération de maintien de l’ordre » met en péril toute l’ambition d’Abyi Ahmed Ali de réconcilier les peuples d’Éthiopie autour d’un projet commun. La refonte de la « Fédération ethnique » mise en place par les Tigréens durant les années 90 pour compenser leur infériorité numérique paraît mal engagée : non seulement les Tigréens sont désormais tous considérés comme des ennemis de la nation, mais la fragile coalition de circonstance entre les organisations des deux grands peuples Oromo et Amhara, risque de ne pas résister à l’anéantissement du FPLT. Et les conflits locaux se multiplient sans que le pouvoir central soit en mesurer de les apaiser : une course contre la montre est ainsi engagée entre la montée des conflits et le projet d’Abyi Ahmed Ali d’une grande conférence de refondation du « pacte éthiopien ». L’internationalisation de la crise éthiopienne est malheureusement engagée : d’un côté, les Émirats ont été les artisans de la prompte victoire d’Addis Abeba, en lançant les drones de la base d’Assab en Érythrée contre les batteries anti-aériennes du FPLT. Les avions et les chars éthiopiens ont ainsi pu se déployer sans résistance jusqu’au cœur de la province. Mais leurs « alliés » érythréens les ont pris de court, engageant toute leur armée en profondeur en territoire éthiopien, en dehors de toute coordination. Tandis que les milices Amhara massacrent les civils tigréens dans l’ouest de la province, l’armée érythréenne pille villes et villages et exécute les réfugiés érythréens parqués sans défense dans des camps.

Cette situation chaotique – qui implique même des combattants somaliens – est venue se surimposer aux tentatives de fonder un nouvel ordre régional dans la Corne de l’Afrique. Deux camps s’y opposent, avec d’un côté les fédérateurs, partisans de la restauration d’États forts, l’Éthiopie et la Somalie16, et de l’autre le Kenya et le Somaliland, alliés de circonstance.

Cette soudaine déflagration régionale pose plusieurs questions :

- celle de la capacité des acteurs de la péninsule, MBS et MBZ, à intervenir de manière efficace et positive les crises de la sous-région, alors même que s’y déploient en nombre bases militaires et ports en eau profonde ;

- celle de la capacité de la « communauté internationale »17, présente en force dans les multiples bases militaires de Djibouti18, à faire prévaloir l’ordre et la paix et à soutenir celui qu’elle a adoubé en lui conférant en 2019 un « prix Nobel de la Paix ».

La mer Rouge demeure en effet et pour longtemps un axe majeur du commerce international et sa stabilité est un enjeu qui, au-delà des besoins des nations qui la bordent, importe à la paix et à la prospérité globale.

1Fatiha Dazi-Héni et Sonia Le Gouriellec : « La mer Rouge : nouvel espace d’enjeux de sécurité interdépendants entre les Etats du Golfe et de la Corne de l’Afrique », note de recherche n°75, IRSEM, 29/04/2019 ;

Marc Lavergne : « Autour de la crise entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, grandes manoeuvres sur la mer Rouge », Diplomatie n°92, mai-juin 2018, et « La mer Rouge peut-elle s’embraser ? » , Les Grands dossiers de Diplomatie, n°46, août-septembre 2018.

4Aziz el Yaakoubi et Marwa Rashad : »Saudi Crown Prince launches zero-carbon city in NEOM business zone », Reuters, 10/01/2021

« The Line », rêve de mégapole mégalomane du prince saoudien MBS (franceculture.fr) 12/01/21

6« Russia signs Deal with Sudan for naval base on the Red Sea », The maritime Executive, 12/09/2020

7https://www.mei.edu/publications/bab-el-mandeb-strait-regional-and-great-power-rivalries-shores-red-sea

11Jonathan fenton-Harvey : The UAE’s Grand Plans for Socotra island, Inside Arabia, 4 dec. 2020

12Mubarak Mohamed,: »UAE, Saudi Arabia allowed Israel onto Yemen’s Socotra », Anadolu Agency, 01/09/2020

14David Styan ;: The politics of ports in the Horn : War, peace and red Sea rivalries, Afrivcan Arguments, 18/06/2018 ;

Loza Seleshi : « Will Somaliland’s Berbera port be a threat to Djibouti’s ? », The Africa report, 25/12/2020

15Payton Knopf, Jeffrey Feltman : « Ethiopia’s Worsening Crisis Threatens Regional, Middle East Security, The Monitor, 13/01/2021

16Peter Kagwanja : « AU, Igad should push for credible polls to avert civil war in Somalia », The Nation, 10/01/2021

Marc Lavergne L’ECHIQUIER MONDIAL. Somalie : l’union impossible ? — RT en français 11/09/2020

17John Calabrese : The Bab el Mandeb Strait : Regional and great power rivalries on the shores of the Red Sea », Middle East Institute, 29/01/2020

18Jean-Luc Martineau, « Djibouti et le « commerce » des bases militaires : un jeu dangereux ?, L’espace politique, n°34, 2018-1



Printemps arabes, révolutions, des concepts inadéquats ?
16 janvier, 2022, 18:41
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https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2021-1-page-79.htm

Printemps arabes, révolutions… : des concepts inadéquats ?

Dans les journées qui précèdent le 25 janvier 2011, à l’approche de la « Journée de la Police », il règne une atmosphère fébrile au Caire : sur les réseaux sociaux, le nombre d’engagements à manifester augmente d’heure en heure. À travers le pays, on a l’impression d’une mobilisation générale de la jeunesse autour de la commémoration de l’assassinat par la police du militant Khaled Saïd, à Alexandrie, quelques mois plus tôt. Le parallèle avec l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, en Tunisie, en décembre 2010, est patent.

Les jours qui suivent, la mobilisation évolue vers des revendications de plus en plus radicales. Le mouvement entraîne un ébranlement de l’État et une aspiration élargie en faveur d’abord du départ de Hosni Moubarak, au pouvoir depuis trente ans, puis d’un changement de régime. Deux semaines plus tard, avec l’abdication le 11 février du vieux cacique, une ère nouvelle semble s’ouvrir. Sous le contrôle de la haute hiérarchie militaire, des gouvernements intérimaires civils posent les bases d’une nouvelle configuration politique. Élections parlementaires, puis élection présidentielle honnêtes donnent les clés du pouvoir à la confrérie des Frères musulmans. Mais cette expérience est rapidement minée par la tentation autoritaire et le sectarisme du mouvement, le mur d’argent de la base sociale de l’ancien régime et de ses soutiens extérieurs, qui aggravent la crise économique et sociale à l’origine de la chute du régime précédent[1]. La désillusion des classes moyennes permet un retour brutal à l’ordre ancien, le 3 juillet 2013.

Le scénario égyptien est assez représentatif du déroulement de cette séquence d’abord tunisienne, puis reproduite dans de nombreux pays arabes, même si, selon les cas, l’intervention extérieure, en particulier des monarchies de la péninsule arabique, ou bien les clivages internes ravivés par les pouvoirs en place, ont contribué à l’échec général de cette insurrection. Cette parenthèse de deux ans et demi en Égypte se décompose en réalité en plusieurs phases, que l’on retrouve avec des variantes locales dans nombre de mouvements insurrectionnels qui mirent à bas, ou en tous cas en danger, la plupart des pouvoirs. Ainsi, ce n’est qu’après trois jours de manifestations violemment réprimées que les jeunes manifestants, rejoints par les Frères musulmans, passent à une phase révolutionnaire, avec pour enjeu la chute de Hosni Moubarak[2]. Mais ce « printemps » est également l’apothéose d’un long processus de mobilisation populaire, tantôt spontané, tantôt organisé, depuis près d’une décennie. C’est cet enchaînement de longue durée, à l’œuvre dans la plupart des pays concernés, que montre l’ouvrage collectif Au cœur des révoltes arabes, avec son sous-titre Devenir révolutionnaires[3]. Ce passage de la révolte, voire de la simple contestation, à l’élan révolutionnaire pose la question de la nature de ces mouvements qui secouèrent l’ensemble du monde arabe, avant d’être écrasés par une contre-révolution[4].

 

 

Un printemps « arabe » ?

 

Le terme de « printemps arabes » adopté pour désigner cette séquence historique est d’abord, semble-t-il, une expression journalistique, vraisemblablement importée. Elle fait certes référence, avec quelque décalage, à la saison où elle s’est déroulée, mais surtout à d’autres soulèvements, comme le « printemps de Prague » en 1968, ou à des « glasnosts », des dégels survenus plus tard sous des climats autrement rigoureux, ou encore au « joli mois de mai » de la même année, en France et de par le monde.

Mais faut-il voir dans ce vocable, plus qu’un lyrisme journalistique, une bénédiction attendrie ? Il y a là, peut-être, de la part des observateurs extérieurs, la marque d’une surprise – bienveillante – qui vient contredire un imaginaire occidental dominé par la perception d’un engourdissement des sociétés arabes régies par des systèmes oppressifs que l’on imagine solidement installés. L’on peut aussi y voir un hommage rendu au pacifisme revendiqué de ces mobilisations, face à des répressions brutales mais à bout de souffle, et à la jeunesse des participants, rejoignant par ce rite initiatique l’imaginaire d’un mai 1968 revisité. Cet enthousiasme, cette énergie surgis soudain de la léthargie, s’accompagnent en effet d’un sentiment de communion, de retrouvailles par-delà les clivages des genres, des conditions, des cultes et des cultures, qui donne à chacun l’espoir fragile d’un avenir à construire[5].

Peut-être encore ce vocable est-il est né spontanément du cœur du mouvement, englobant ainsi par-delà les frontières l’ensemble de cette nouvelle « nahda » ou « sahwa » : cette « renaissance » ou ce « réveil »[6] que le monde arabe accueille de façon récurrente, comme en quête de la « remontée vers les bases », qu’invoquait le regretté Jacques Berque. Il demeure, quoi qu’il en soit, associé au souvenir d’une explosion dramatique et joyeuse, nourrie d’une folle espérance, de l’ivresse d’une jeunesse enfin libre de se déployer dans les rues et dans les esprits. Mais aussi d’une expérience douloureuse, meurtrière, d’un rêve envolé, y compris en Tunisie, seul pays où la dictature n’a pas été rétablie.

 

 

Protestations, mobilisations, insurrections : de la révolte à la révolution

 

Pour qualifier les mouvements qui ont parcouru le monde arabe durant l’année 2011, nombre d’autres termes ont été employés, selon la perception qu’en ont eu les observateurs extérieurs et les acteurs, les médias et les analystes. Dans cette prolixité, l’on peut distinguer les grilles de lecture des uns et des autres en référence à d’autres expériences en d’autres temps, en d’autres lieux. D’où, parfois, un certain flou qui peine à dessiner les contours et les contenus de ces soulèvements.

 

Révolution : la partie pour le tout ?

 

Si le terme le plus communément employé est celui de « révolution » (« thawra), il traduit peut-être plus le retentissement de ces événements que leur nature même. En réalité, il correspond plus précisément à la tournure ultime de certains de ces événements, et au sens qu’ont voulu leur donner les acteurs, ou le camp d’en face. De fait, le terme n’a pas été beaucoup employé par les acteurs eux-mêmes : d’une part, ces mouvements n’étaient pas porteurs d’un projet de refondation sociale, mais, plus modestement, de contestation de l’ordre existant, personnifié par un dirigeant honni.

Le terme de révolution relève ainsi d’un autre registre : celui d’un processus visant à la prise du pouvoir, dans le but explicite de transformer la société et ses rapports avec l’État : un bouleversement radical des structures politiques, économiques et sociales à l’échelle d’un État, voire en l’occurrence, d’un chapelet d’États « arabes » supposés marcher d’un même pas, unis dans une destinée commune. Il y faut, historiquement, la conjonction de trois éléments qui ont manqué à ces mouvements : un programme, une structure et une direction. Dans le monde arabe, la seule organisation disposant de ces éléments était – et demeure – celle des Frères musulmans ; mais ceux-ci n’étaient pas favorables à ce mouvement dont ils ne maîtrisaient ni la genèse ni les objectifs.

Par ailleurs, le terme de révolution a été galvaudé dans ces contrées où il a été utilisé pour désigner toutes sortes de mouvements ou de régimes qui n’ont pas répondu aux espoirs des peuples, et qui ont servi de paravents à des dictatures hostiles aux idéaux de liberté et d’égalité. Les luttes de libération nationale, de l’Algérie au Dhofar et à l’Érythrée, ont certes porté le nom de « révolutions », en référence à leur ambition de renverser l’ordre établi. Mais le terme a également été appliqué à des événements comme le complot des Officiers libres de septembre 1952 en Égypte. Or celui-ci ne fut autre chose qu’un coup d’État militaire[7] destiné à mettre à bas la royauté : sa première victime fut le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans du delta, selon ses critiques marxistes[8]. Anouar el-Sadate lui-même présentera son infitah (« ouverture ») libérale comme une « révolution corrective »[9]. Le terme garde donc son pouvoir mobilisateur.

Peut-être la confusion provient-elle aussi en partie de ce que le terme arabe de thawra n’évoque initialement qu’une agitation, une insurrection, et ignore la différence entre la révolte et la révolution[10][VERZEROLI1] [Auteur in2] . Le sens littéral de celle-ci serait mieux rendu par le vocable inqilab : employé pour désigner de simples coups d’État, il évoque littéralement un renversement de polarité, un « sens dessus dessous ».

 

Une première étape : de la protestation à l’insurrection

 

Pour une qualification plus fidèle des « printemps arabes », il importe de rendre à ceux-ci la temporalité et le rythme de leur déroulement, qui voit s’enchaîner des séquences bien distinctes. C’est ainsi que tous ces mouvements émergent dans des protestations contre l’injustice, la corruption ou la violence de l’appareil de sécurité. Mais ces protestations n’éclatent pas de manière inattendue : elles expriment le dépassement d’une limite : non pas que ces régimes deviennent plus répressifs, mais au contraire, qu’ils montrent des signes d’affaiblissement, sous l’effet de dissensions internes ou de pressions externes. En Égypte, ces contestations internes remontent à la création du mouvement Kefaya en 2005, et les pressions externes au discours prononcé par Barack Obama à l’Université du Caire en juin 2009, appelant à la démocratisation des régimes arabes. Ces protestations qui rallient la jeunesse urbaine, issue des classes moyennes éduquées mais frustrées, renforcent donc des contestations politiques ou sociales préexistantes – comme les grèves en Égypte contre le démantèlement du secteur industriel public et l’effondrement des services de l’État.

La répression de ces protestations contre la violence et l’arbitraire policier les mue, ensuite, en une insurrection contre la tyrannie et la corruption, remontant ainsi des acteurs de terrain aux acteurs politiques. Cet élargissement de la contestation n’est alors qu’un prélude à une tentative de transformation des rapports entre l’État et la société, qui implique une compétition entre de nouvelles forces politiques, civiles et militaires, plus ou moins organisées et encadrées.

Cet élan en vue d’un changement radical de l’ordre établi se retrouve-t-il partout ? On peut en douter : chaque pays arabe en proie à ces soulèvements présente une équation économique et sociale, mais aussi un type de gouvernement qui lui sont propres. Des paramètres tels que le degré de corruption, la possibilité d’ascension sociale ou d’émigration, la place occupée historiquement par la classe moyenne, le niveau d’éducation, la prégnance de la religion et ses modes d’encadrement ou de pression, le poids du tribalisme ou du confessionnalisme, donnent au mouvement de révolte, derrière les apparences du mode opératoire et la similitude des slogans, une forte spécificité locale, et donc un sort différent. Le poids des modèles importés est également variable, et lié à la présence d’une part inégale de militants formés à l’école des mouvements sociaux en Occident.

L’entraînement, qui semble autoriser à parler de printemps « arabes », est indéniable : il incite à vaincre la peur, et à ouvrir le champ des possibles ; il permet également la transmission des modes de résistance, les inventions de modes d’expression partagés. Mais il est également à pondérer avec la part de l’effet d’aubaine : les deux premières victimes des soulèvements, Zine El-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak, ont en commun la longévité, donc un âge avancé, une absence de charisme et de soutien actif au sein même de la caste dirigeante, et des peuples qui ont une relative homogénéité socioculturelle, fondée sur une historie nationale partagée. Il n’en va pas de même en Libye, en Jordanie, en Syrie, au Yémen ou au Bahreïn, tandis qu’en Oman ou au Maroc, la légitimité fortement assise du système en place, voire du dirigeant, offre peu de latitude à la contestation, même si le désir de changement peut conduire une partie des classes moyennes urbaines à se joindre au mouvement, avant d’être récupérées par des concessions du pouvoir.

Une fois encore, l’appellation de « printemps arabes » doit donc être maniée avec prudence. Elle indique certes une simultanéité ou un enchaînement temporel, et un effet de contagion. Mais elle ne recouvre pas une mécanique où les mêmes causes créeraient les mêmes effets.

 

La révolution, une longue marche ?

 

L’ouvrage Au cœur des révoltes arabes. Devenir révolutionnaires précédemment cité cherche à faire la part du hasard et de la nécessité qui signe le destin de ces soulèvements. Ceux-ci n’y apparaissent pas que comme le résultat de prémices arrivées à maturité. Fruits d’une coalescence de frustrations, de colères et d’impatiences enfouies, ils procèdent aussi de sentiments et de désirs nouveaux, nés du mouvement lui-même. Cette somme avait été précédée de travaux d’ampleur plus modeste, centrés sur l’observation de la société égyptienne. Ainsi des deux volumes consacrés par les chercheurs du Centre d’études et de documentation économique, juridique et sociale (CEDEJ) à l’Égypte, an 2 de la révolution, qui cherchaient à retracer la montée vers Tahrir, puis les recompositions politiques auxquelles elle avait donné lieu[11].

La notion centrale de révolution renvoie à celle de changement social radical, d’inversion du pouvoir, sur un paradigme qui serait celui de la Révolution française, bouleversant, voire inversant la hiérarchie des groupes sociaux, tandis que celui de la révolution américaine se traduirait par l’éviction de la puissance coloniale et l’accession à l’indépendance. La détermination à changer l’ordre social et à faire révolution n’est donc pas à prendre au pied de la lettre : point ici de mouvement pré-organisé, à l’image du Parti bolchevik, déterminé à mettre à bas l’ordre ancien. L’initiative vient de la jeunesse, et de la jeunesse estudiantine, urbaine, dont le sort est loin d’être aussi misérable que celui de la même tranche d’âge, dans les campagnes ou les quartiers sus-intégrés des périphéries des grandes villes. Point de structure, donc, et point de leaders : le mouvement n’a pas de pilote, et les leaders des oppositions traditionnelles ne parviendront pas à en prendre la tête, même si comme au Bahreïn, voire en Égypte, ils jouissent d’une expérience ancienne de l’organisation, mais aussi de la transaction comme de la répression. Et surtout, pas de programme global, mais des revendications sectorielles initiales qui deviendront des slogans plus englobants, comme la chute du tyran et du régime qu’il incarne.

Plus que changer l’ordre social, les mouvements de contestation visent davantage à s’extirper du passé qu’à construire l’avenir : faire chuter le régime, c’est changer la société, y introduire de nouvelles valeurs, de solidarité, d’honnêteté et de justice. Ce sont ces idées qui dominent dans les slogans et les attitudes, bien plus que des programmes de réforme sociale ou économique. En ce sens, les insurrections du « printemps arabe » tiennent plus des mouvements de 1968 que de 1789. Point d’idéologie ici, mais une soif de liberté, comme l’expriment les places de la Libération au Caire, du Changement à Sanaa, de la Perle à Manama. Ces emplacements et la manière dont ils sont investis disent tout de la véritable révolution en cours : ces lieux sont d’abord des enracinements. Contre le redéploiement de la ville des puissants et des riches hors les murs, vers un nouveau Caire délivré de la plèbe, des embouteillages et des contestations, ces mouvements signalent une fidélité à un passé idéalisé sans doute, mais rassurant : celui de Gamal Abdel Nasser et de ses émules dans toute la région. Mais surtout, ces places sont le siège de la transformation sociétale bien plus que sociale : affranchissement de la jeunesse de la tutelle de ses aînés, et de leurs carcans sociaux et religieux avec, en corollaire, abolition de la barrière des genres, le tout exprimé dans une profusion d’expressions artistiques, et de libération de la parole sur les podiums et entre les têtes, symboles de cette libération. En celle-ci, l’on peut donc voir l’amorce d’un futur libéré, d’une jonction avec un Occident souvent fantasmé, mais aussi approché enfin sans complexe, et qui offre un miroir admiratif et solidaire. Mais elle s’appuie en même temps sur la légitimité conférée par d’autres libérations, de l’occupant étranger comme de l’oppresseur indigène, et finalement des vieux codes bousculés.

Parallèlement, ces mouvements ne cherchaient pas à forger des alliances – ou peut-être ne le pouvaient-ils pas. L’occupation des places, la libération des prisonniers devenaient des buts en soi, avec pour apothéose la chute du tyran. Mais la réflexion sur un changement économique et social, sur l’appropriation collective des moyens de production par exemple, n’était plus de mise. La lutte contre la corruption était, en quelque sorte, une apogée de la pensée politique : vingt ans après la chute du communisme, toute pensée progressiste laïque avait été éliminée, par la répression d’abord, par essoufflement ensuite, sous l’effet de l’ouverture économique, puis de la mondialisation associée au modèle de la péninsule arabique. Face à ce soulèvement sans colonne vertébrale, l’armée défendait ses intérêts et privilèges, et les Frères musulmans, en face, étaient considérés comme la véritable expression du sentiment populaire, et comme la seule organisation vouée à l’exercice du pouvoir. Peut-être le mouvement a-t-il été atomisé par ses nouvelles formes de coalescence, à travers les réseaux sociaux : peut-être cette structuration horizontale et fluide a-t-elle empêché l’émergence de leaders ou de tribuns aptes à capter et exprimer le sentiment du peuple. Peut-être aussi la spontanéité de ce mouvement a t-elle coupé l’herbe sous le pied à une maturation en cours, plus lente, mais plus profonde, des revendications qui s’exprimaient à travers nombre de mouvements sociaux et de débats publics. La gestation de programmes de progrès social et d’ouverture politique et la structuration de ces mouvements paraissaient en mesure de mobiliser l’ensemble de la société égyptienne et de rompre avec la fatalité des dictatures militaires…

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[1]Voir Sophie Pommier, Égypte, l’envers du décor, Paris, La Découverte, 2008 ; ainsi que le dossier « Égypte : l’éclipse », Confluence Méditerranée, n° 75, L’Harmattan, automne 2010.

[2]             Les précieux récits des journalistes prennent moins de précautions sémantiques : ainsi de L’Égypte de Tahrir. Anatomie d’une révolution de Claude Guibal et Tangui Salaün (Paris, Seuil, 2011), dont l’incipit est cette phrase de Jean Jaurès : « il ne saurait y avoir de révolution que là où il y a conscience ». Certes, mais de quelle conscience s’agit-il ? Et comment cette conscience se mue-t-elle en mouvement ?

[3]Amin Allal et Thomas Pierret (dir.), Au cœur des révoltes arabes. Devenir révolutionnaires, Paris, Armand Colin, coll. « Recherches », 2013.

[4]Youssef El Chazli et Chaymaa Hassabo, « Socio-histoire d’un processus révolutionnaire. Analyse de la “configuration contestataire” égyptienne (2003-2011) » in Amin Allal et Thomas Pierret (dir.), op. cit.

[5]          Rabi’ (le printemps) et son féminin Rabi’a sont en arabe des prénoms populaires, qui évoquent la jeunesse, à la fois douceur et jaillissement de l’énergie nouvelle.

[6]             L’expression « Arab Awakening » a la faveur des auteurs anglophones.

[7]    Un « putsch en bras de chemise » pour Jean Lacouture, Nasser, Paris, Seuil, 1971.

[8]    Voir Mahmoud Hussein, La lutte des classes en Égypte de 1945 à 1968, Paris, Maspero, 1970 ; et L’Égypte. Lutte de classes et libération nationale 1967-1973, Paris, Maspero, 1975.

[9]    Aly El-Samann, L’Égypte d’une révolution à l’autre, Monaco, Éditions du Rocher, 2011.

[10]  Parmi la vaste littérature consacrée à ces événements, l’ouvrage « Syria’s Uprising and the Fracturing of the Levant », Emile Hokayem (dir.), IISS, Routledge, 2013, n’évoque qu’un « soulèvement», bien que l’auteur affirme d’emblée que la Syrie, quoi qu’il advienne, telle qu’elle a existé auparavant, n’existe plus (« Syria as the world has known it for the last four decades no longer exists », est la première phrase de l’ouvrage)

[11]  Voir Marc Lavergne, (dir.) Égypte, an 2 de la révolution, L’émergence d’une nouvelle scène politique (vol.1). et Une société en quête d’avenir (vol.2)  Paris, L’Harmattan, coll. « Bibliothèque de l’iReMMO », 2012.


 [VERZEROLI1]Pourriez-vous préciser de quel ouvrage il est question dans cette note ?

 [Auteur in2]Répondre à VERZEROLI Marc (21/01/2021, 16:24): « … »

Voir note complétée



New ports projects on and around the Red Sea : tensions are rising
18 avril, 2018, 18:04
Classé dans : Non classé

6th April, 2018 :  RFI English : Marc Lavergne comments on the new developments by Turkey in Suakin (Sudan) , with Qatar financial backing :

http://en.rfi.fr/africa/20180406-new-port-projects-red-sea-corridor-sudan-somaliland-arab-backers-jostle-position



RFI Appels sur l’actualité Partenariat Egypte/Arabie Saoudite

Réponse à la question d’un auditeur de Côte d’Ivoire le 9 mars 2018

Visite du prince Mohamed bin Salman au Caire et engagement sur l’intégration régionale autour de projets de développement

Délicat d’aborder ces sujets sur une chaîne publique française à diffusion internationale : l’Arabie Saoudite et l’Egypte sont nos deux principaux « partenaires » comme on dit pudiquement, dans la région, c’est-à-dire nos plus gros clients, et donc au sens propre, nos « donneurs d’ordres ».

Les mirages d’une mondialisation « hors sol »

De quoi s’agit-il ? D’un nouveau volet du projet « Vision 2030″ de MBS : la « mise en valeur » du littoral saoudien au nord de la mer Rouge, une région désertique et excentrée que j’avais parcourue en 1981 dans le cadre d’une mission du ministère saoudien de l’agriculture et des eaux, pour la modique somme de 500 milliards de dollars.

Concrètement, ce projet NEOM, qui n’a été précédé d’aucune étude sérieuse de faisabilité, ni technique, ni économique ou financière, vise à dégager  un nouvel horizon pour l’Arabie Saoudite, pour tenter de sortir sans trop de casse de l’ère du tout-pétrole. Ce projet mirifique, à dominante touristique, prévoit  une extra-territorialité attractive pour les investisseurs industriels et technologiques : il s’agit  d’attirer des financements internationaux qui donneront ainsi une assurance-vie à l’Arabie, et plus spécifiquement à la famille régnante.

Pour étoffer le projet et le rendre plus crédible (le délai de 12 ans jusqu’à sa mise en route est si illusoire qu’on s’étonne qu’aucun commentateur ne l ‘ait relevé), MBS se rend dans l’ Egypte de Sissi, elle aussi toujours en quête de chimères pour sortir du marasme. Non pas pour trouver des fonds, bien sûr, puisque l’Arabie est le banquier de l’Egypte, client insolvable, mais pour le coupler avec un micro-projet égyptien du même ordre. Depuis Sadate, les gouvernements égyptiens ont abandonné l’idée de développé leur pays à partir de la vallée et du delta, où se trouve la population, les campagnes et les villes engorgées et ingérables.

En quête de « nouvelles frontières »

Les déserts et les côtes sont désormais les « nouvelles frontières » d’une Egypte retournée comme un gant. Moubarak s’était installé à demeure à Charm el Cheikh, au Sinaï, après en avoir chassé la population bédouine, et en avait fait sa capitale diplomatique.

Aujourd’hui, après avoir donné à l’Arabie deux îles qui verrouillent l’entrée du golfe d’Aqaba, Tiran et Sanafir, en dépit d’un baroud d’honneur de la Cour Suprême égyptienne et l’offuscation des Egyptiens, Sissi sort de sa casquette la création d’un fonds d’investissement de 10 milliards de dollars, destiné à financer un projet de développement sur un périmètre de 1000 km2 face à la rive saoudienne du détroit de Tiran. Il s’agit de créer une zone franche internationale destinée à accueillir les paquebots de croisière, et toutes les nouvelles lunes de la nouvelle économie : énergies renouvelables, écotourisme, biotechnologies, lors d’une première phase à démarrer début 2019 pour une entrée en activité en 2022. Pour cocher toutes les cases, on y a joint la protection des coraux, mais aussi, pour rester sérieux et crédible, la construction de cinq palais.

Derrière ces fadaises, qui font suite au « doublement » du canal de Suez, inauguré naguère en présence du président français François Hollande, ou à la mise en valeur agricole annoncée de 700 000 feddan (environ 300 000 ha) de désert dans la dépression de Farafra, projets mirifiques dont on n’entend plus parler, il y a un vrai projet géostratégique.

La « Sainte Alliance « 

Tous contre l’Iran

Derrière ces projets se profile en effet la nouvelle alliance qui vise à dessiner la nouvelle carte du Moyen-Orient : avec Israël et la Jordanie, ces quatre pays forment le socle de la résistance à l’avancée iranienne dans la région. L’alliance entre Israël et l’Egypte est déjà  depuis longtemps – avec l’intermède de la présidence Morsi  – le pilier de la survie de l’Egypte, sous la houlette américaine, qui entretient financièrement les deux armées. Et la Jordanie est gérée directement depuis Tel Aviv et Washington. L’élément nouveau est l’engagement ouvert de l’Arabie Saoudite aux côtés d’Israel dans le « containment » et la déstabilisation de l’Iran.

Ces projets de développement sont certes le fait de dirigeants ineptes en ce qu’ils s’illusionnent (ou pas ?) sur les capacités de leurs pays et ignorent les attentes de leur population ; mais ils sont assez cohérents avec ce manque d’intérêt en ce qu’ils misent sur un redressement économique sans effort et sans réformes structurelles du fonctionnement de l’Etat et de la société : « tout changer pour que rien ne change ».

Kill Dubai !

J’y vois également, avec la localisation de ce projet à l’entrée du canal de Suez, à un emplacement privilégié sur une artère vitale du commerce internationale, l’intention de marginaliser Dubaï en la concurrençant sur son terrain. Dubai a jusqu’à présent mené la course en tête de la mondialisation économique. mais elle est située sur une mer fermée. Par ailleurs, son succès attise jalousie et rancœur, car elle a le défaut d’être attractive par sa permissivité contrôlée, d’offrir un modèle de réussite, de faire contrepoids à Abou Dhabi et surtout d’être le poumon de l’Iran.

Derrière la Sainte Alliance contre l’Iran, on perçoit donc toutes les implications de ces projets que le prince MBS concocte avec les stratèges de Trump et de Netanyahu : « règlement » de la question palestinienne par l’élimination du Hamas et des Frères Musulmans partout où ils constituent une menace, imposition d’un protectorat sur le Qatar et le Yémen, comme c’est le cas du Bahrein…

Reste la Chine et ses nouvelles « routes de la soie » : elle reste discrète mais peut être intéressée à jouer les « pousse au crime » en prêtant les fonds nécessaires, en tablant sur leur échec pour récupérer sa mise sous forme de cessions et de concessions de toutes sortes, à commencer par le pétrole et ses infrastructures : un remake de la dette ottomane, qui permit aux puissances européennes de démanteler l’empire ottoman à la fin du XIXème siècle. L’Arabie Saoudite a déjà décidé de céder 5 % de l’Aramco pour entamer le financement de ses projets…

 

 

 



Stand Up de l’humanitaire à l’IRIS le 11/5/17
L’Observatoire des questions humanitaires de l’IRIS, a le plaisir de vous inviter à son 12e Stand Up de l’Humanitaire : 15 minutes de présentation pour 1h15 de débat afin de réfléchir ensemble, hors des sentiers battus et rebattus, à l’avenir de l’humanitaire.
  
« LES ONG HUMANITAIRES
EN VOIE D’EXTINCTION ? »
     
Avec la participation d’Éric BERSETH, directeur de Philanthropy Advisors et Vincent TAILLANDIER, consultant indépendant, ancien directeur d’opérations à Action Contre la Faim. Le débat sera lancé et animé par Michel MAIETTA, directeur de recherche à l’IRIS.
Jeudi 11 mai 2017, 18h30-20h30
Espace de conférences de l’IRIS *
Mon point de vue :
D’un côté les humanitaires aux dents longues, qui vous  parlent de start up, de parts de marché, de nouvelles technologies, de partenariat public-privé, de fondations d’entreprises, de jeunes loups contre les vieilles barbes, de pragmatiques contre idéalistes ; ça, c’est E. Berseth, avec son Philanthropy Advisors, qui dit tout : un nom anglais pour faire dynamique et mondialisé, un concept anglo-saxon qui recycle la charité chrétienne dans le business capitaliste  ( le modèle assumé est Bill Gates, l’empereur de la pierre philosophale) ; de l’autre, dans le rôle du punching ball has been, Bénédicte Hermelin, la « patronne » de Coordination SUD, droit dans ses bottes, défendant vaille que vaille l’humanisme, le devoir de solidarité et l’aide au développement. Et au milieu, Vincent Taillandier qui prédit la fin du modèle ONG face au défi des nouvelles technologies qui vont rapprocher donateurs et récipiendaires, et qui vont fracasser le modèle vertical des ONG mastodontes. En fait, ce fut un débat politique sans le dire, où il n’y pas grand chose en commun entre les différentes visions, sinon une illusion collective, et peut-être pas si naïve, sur l’efficacité et  même l’utilité, de l’action humanitaire. Une efficacité qui reste à évaluer dans l’absolu, comme en relation coût/résultats, mais qui est évidemment marginale et ponctuelle, quand elle n’est pas négative, dans tous les cas de figure : théâtres de conflits, bien sûr, mais aussi catastrophes naturelles. Derrière la passion des agences de l’ONU et des ONG pour les chiffres, les statistiques, les courbes, il n’y a qu’une obsession : l’argent, à tout prix et sous les prétextes, dans une guerre permanente et sans merci  pour l’accès aux ressources, mais une grande pudeur sur les résultats du point de vue des « bénéficiaires »…


Homeland, film remarquable sur l’IRAK, présentation par Marc Lavergne du film au Lucernaire le 12 avril 2016
13 avril, 2016, 09:56
Classé dans : Conférences,Non classé

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« Nous venons en amis », film à ne pas manquer!
11 janvier, 2016, 09:54
Classé dans : Conférences,Non classé

Affiche Hubert Sauper Nous venons en amis



Revue de presse de Marc Lavergne Le Caire-Nairobi-Khartoum septembre-octobre 2013
  1. Egypte : « le régime continue de se livrer à une répression aveugle 

► 0:42► 0:42

www.youtube.com/watch?v=yCtW4HrP8HY

Il y a 2 jours – Ajouté par FRANCE 24

Au micro de FRANCE 24, Marc Lavergne, spécialiste de l’Egypte au CNRS, donne son analyse des 

  1. SOUDAN / ENTRETIEN: Marc Lavergne sur RFI: «Au Soudan, on a 

www.actus-france.fr/…/soudan-entretien-marc-lavergne-sur-rfi-au-souda…‎

29 sept. 2013 - Trois mille personnes ont à nouveau manifesté dans les rues de Khartoum ce samedi 28 septembre. Un mouvement contre la vie chère, contre 

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  1. Les shebabs, cette autre menace djihadiste – Le Point

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23 sept. 2013 - Au contraire, Marc Lavergne voit dans l’assaut du centre commercial l’illustration de la prédominance au sein du groupe insurgé des 

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www.20minutes.fr › Monde › Somalie

23 sept. 2013 - MONDE - Marc Lavergne, chercheur au CNRS, spécialiste de la Corne de l’Afrique, répond à «20 Minutes» sur l’attaque menée par les 

  1. SOUDAN / ENTRETIEN: Marc Lavergne sur RFI: «Au Soudan, on a 

www.vobodo.com/soudan-entretien-marc-lavergne-sur-rfi-au-soudan-on…‎

28 sept. 2013 - googletag.cmd.push(function() googletag.defineSlot(‘/17067440/FR24_Bloc_EN’, [300, 150], ‘div-gpt-ad-1361206220411-0′).

http://www.rfi.fr/emission/20130926-guerre-contre-le-terrorisme-peut-elle-etre-gagnee

 

http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-table-ronde-actualite-internationale-2013-09-13

 

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/egypte-l-armee-ne-cassera-pas-les-freres-musulmans_1274458.html


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